3. La disgrâce physique

Au comportements social et religieux dépréciés s’ajoute une apparence qui suscite le dégoût. L’association de “ dévotement ” à “ rote ” ne rachète pas cette dernière action, la rusticité évoquée n’ayant rien de champêtre mais renvoyant plutôt au doublet de rustique, rustre. La contamination ne s’opère pas linéairement de “ dévotement ” à “ rote ”, mais en sens inverse. L’ordre de l’écho phonique, fondé sur les sons [ot] vient renforcer une dépendance grammaticale forte. Si le signifié de l’adverbe modifie normalement celui du verbe, c’est ici le plus grand degré d’autonomie de ce dernier qui l’emporte, “ dévotement ” étant incident 131 au verbe “ rote ”. Les “ quolibets ” font peut-être référence aux sortes d’ocelles disséminées sur le pelage de l’animal qu’on voit à l’entrée de la Grande Salle de Lascaux. Ces dessins sont dans ce cas présentés comme un pis-aller ornemental, et le terme “ parure ” n’en est que plus ironique pour désigner un accoutrement dont la pauvreté paraît dérisoire. L’infection le dispute ensuite à la trivialité :

‘Ses flancs bourrés et tombants son douloureux, vont se vider de leur grossesse.

La Bête est grosse, triplement. Elle est volumineuse, “ bourrés ” donnant une troisième dimension, à l’horizontalité de “ flancs ” et à la verticalité de “ tombants ”, celle du relief effectivement perceptible dans le dessin du ventre allongé et bombé de l’animal. La Bête est ensuite grosse car ses flancs pleins sont ceux d’une femelle gravide. Enfin, cette massivité reste grossière, sans élégance. Grosseur, grossesse, et grossièreté : l’animal non seulement contient cette bestialité mais la diffuse, il est enveloppé de ce qu’il enveloppe lui-même.

‘De son sabot à ses vaines défenses, elle est enveloppée de fétidité.

A l’intérieur comme à l’extérieur, et en totalité, la Bête est immonde. Mais cette disgrâce physique n’est que le signe visible, la traduction symbolique d’une disgrâce plus importante encore, celle de l’être qui n’a pas de nom. La parodie est la forme ostensible d’un retournement moins carnavalesque qu’ontologique.

Notes
131.

L’adverbe a, d’après Gustave Guillaume, une incidence externe de second degré. Elle fonctionne comme un apport par rapport au support qu’est ici le verbe et qui a, lui, une incidence externe de premier degré.