1. Un emploi grammatical : la construction attributive

‘[...]
Lunes et nuit, vous êtes un loup de velours noir, village, sur la veillée de mon amour.
[...]
L’automne ! Le parc compte ses arbres bien distincts. Celui-ci est roux traditionnellement ; cet autre, fermant le chemin, est une bouillie d’épines. [...]

L’article indéfini qui détermine un nom en fonction d’attribut lui confère une valeur de classification et non d’extraction. Le sujet est, quant à lui, bien identifié dans chaque phrase, et l’attribut permet de l’insérer dans une classe, celle du nom prédéterminé par l’article 224 . Le nom n’est donc pas référentiel, il ne fait que représenter la classe dans laquelle se range le sujet. Or, la relation attributive est dans les deux cas métaphorique : le nom attribut fait image. Cette dernière est motivée phonétiquement dans le premier exemple, par l’allitération en [l] entre “ lunes ”, “ loup ” et “ velours ”, et en [n] entre “ lunes ”, “ nuit ” et “ noir ”. Elle est motivée par la situation dans le second exemple dans la mesure où le comparant, “ épines ”, fait partie de l’univers naturel végétal dont il est question. La relation entre le comparant et l’univers de référence est toutefois rare dans cette construction. L’attribut est ainsi d’autant moins référentiel que la classe qu’il dénote fait appel à l’imaginaire 225 .

Notes
224.

La nature de l’article devant un nom en fonction d’attribut est déterminante : si l’indéfini permet une classification, l’article zéro fait de l’attribut une caractérisation et l’article défini une identification.

225.

L’attribut fait assez régulièrement image, une image cette fois plus nettement déréalisante car elle est détachée de l’univers de référence : “ La propriété redevenant l’infini personnel à l’extérieur de l’homme, la cupidité ne sera plus qu’une fièvre d’étape que chaque lendemain absorbera ” (“ Le Rempart de brindilles ”, La Parole en archipel, O. C., p. 361) ; “ J’étais une tendre enclume qui ne cherchait pas à s’occuper ” (“ Volets tirés fendus ”, La Nuit talismanique qui brillait dans son cercle, O. C., p. 492) ; “ Ce ciel est un cartable d’écolier/Taché de mûres ” (“ Griffe ”, La Nuit talismanique qui brillait dans son cercle, O. C., p. 500) ; “ Mon lit est un torrent aux plages desséchées ” (“ Eprouvante simplicité ”, La Nuit talismanique qui brillait dans son cercle, O. C., p. 503) ; “ [...] nous sommes une étincelle à l’origine inconnue qui incendions toujours plus avant ” (“ Note sibérienne ”, Aromates chasseurs, O. C., p. 524).