2. L’article indéfini et son référent : quand la détermination maintient l’indétermination

C’est dans “ L’Etoile de mer ” qu’apparaît parfaitement l’utilisation que peut faire René Char de l’article indéfini, mais dans le cas précis où l’indétermination est la forme-sens du poème, qui joue sur le mystère de l’identification de cette étoile :

‘Dans le foyer de ma nuit noire
Une étincelle provocante
Heurta le tablier de cuir
Que je gardais par habitude
Autour de mes reins désoeuvrés.

Sans doute un mot bas de Cassandre,
Utile à quel avenir ?
Fallait-il qu’il se révélât
Entre cinq de mes différences,
Au terme d’une parabole
De mensonge et de vérité ?
Se protéger est acte vil.

Lève la tête, artisan moite
A qui toute clarté fut brève !
Cette source dans le ciel,
Au poison mille fois sucé,
N’était pas lune tarie
Mais l’étoile frottée de sel,
Cadeau d’un Passant de fortune. 234

Ce poème est le récit d’une recherche d’identification non seulement poétique, pour ce qui est du sens du poème, mais surtout grammaticale, l’une n’allant d’ailleurs pas sans l’autre. En effet, c’est par la chaîne grammaticale des déterminants successifs, fondée sur la co-référence, qu’on parvient à identifier l’étincelle initiale, même si, à ce cheminement déterminatif très clair, se superpose un cheminement métaphorique obscur, qui prend sa source dans les symboles et le langage alchimiques. Le poème est donc en tension, entre la logique d’une progression grammaticale faite pour dévoiler ce qu’est l’étincelle, et un réseau d’images qui la maintient voilée.

Notes
234.

“ L’Etoile de mer ”, Chants de la Balandrane, O. C., p. 562.