a/ Une identification grammaticale possible

“ L’Etoile de mer ” commence par une séquence narrative fondée sur l’alternance du passé simple et de l’imparfait. Le premier verbe du poème dénote un procès dynamique, heurter ayant un aspect lexical perfectif et un tiroir verbal global : la vision du procès est donc ponctuelle, et ce dernier se déroule sur fond de procès duratif puisque, à l’inverse, garder est un lexème imperfectif conjugué à un temps sécant. Sur cet arrière-fond se détache ainsi nettement un événement : étincelle est en emploi particulier car l’article qui l’actualise “ extrait de la classe dénotée par le nom et son expansion un élément particulier qui est uniquement identifié par cette appartenance et qui n’a fait l’objet d’aucun repérage référentiel préalable [...] ” 235 . Cet événement est désigné dans les deux premières strophes à l’aide de l’article indéfini, qui fait place ensuite au déterminant démonstratif puis à l’article défini : on passe de “ une étincelle ” à “ un mot bas de Cassandre ”, puis à “ cette source dans le ciel ” et enfin à “ l’étoile frottée de sel ”, qui renvoie en fait le lecteur au titre, perçu rétrospectivement comme une cataphore, “ l’étoile de mer ”.

Le second article indéfini associe le nom qu’il prédétermine à “ une étincelle provocante ” par une relation de co-référence, qui passe par un substitut lexical relevant du vocabulaire de la création poétique, “ un mot bas de Cassandre ”. Dans la dernière strophe, “ cette ” permet, de nouveau par co-référence, d’identifier “ source ” avec “ mot ”, par localisation avant tout : même si “ source ” est isotopique avec “ moite ”, et désigne l’objet du travail artisanal, c’est surtout le complément “ dans le ciel ” qui déclenche la relation de co-référence : ce complément reprend sémantiquement le procès “ lève la tête ” et la localisation initiale “ dans le foyer de ma nuit noire ”, lieu de la première apparition. L’article défini permet enfin l’identification en actualisant “ l’étoile frottée de sel ” dans une construction attributive qui répond directement au titre, “ l’étoile de mer ”. La boucle est bouclée, mais la clarté de la représentation grammaticale reste curieusement déceptive : cette clarté s’avère exclusivement formelle, elle présente le référent comme identifié par un cheminement qui mène de l’indétermination à la détermination, mais le lexème final souffre de l’absence d’un contenu transparent. L’article défini impose la reconnaissance d’un objet qui demeure inconnu. La détermination ne donne pas le sens du poème.

Notes
235.

Martin Riegel, Jean-Christophe Pellat et René Rioul, Grammaire méthodique du français, p. 159.