Maison mentale. Il faut en occuper toutes les pièces, les salubres comme les malsaines, et les belles aérées, avec la connaissance prismatique de leurs différences. 328
“ Rémanence ” évoque la résurgence d’éléments du passé dans le lieu même, la maison, où il se produisirent. Ce lieu est présenté comme familier : l’article défini qui détermine “ maison ”, “ haute lampe ”, “ assiette ” et “ table ” introduit le lecteur dans un monde présenté comme immédiat. Il s’agit même du cœur de la maison, du foyer, puisque la table et l’assiette renvoient nettement à la cuisine, avatar moderne de la traditionnelle pièce commune, lieu de vie par excellence de la maison. La mention de ce lieu nous paraît essentielle dans la mesure où la définition de la “ rémanence ” qui nous intéresse est liée à un lieu : si la rémanence renvoie en général à tout phénomène de persistance, ses emplois sont surtout techniques, liés à un domaine spécial, comme l’agriculture ou la physique. En psychologie, selon une acception courante, ce terme signifie la “ propriété de certaines sensations de subsister après la disparition de l’excitation qui leur a donné naissance ” 329 . Mais c’est plus précisément dans le domaine de la parapsychologie que la rémanence présente une signification qui nous intéresse, car elle désigne les “ vibrations positives ou négatives qui imprégneraient un lieu précis après un événement du passé ”. On parle ainsi de la “ rémanence d’une maison, d’un mur, d’une pièce ”. Le lien du souvenir avec un lieu est clairement attesté.
La maison est indéniablement propice à la résurgence d’un passé exprimé lexicalement par l’adjectif “ ancienne ” caractérisant “ la table ”, par le préfixe de répétition re- dans le verbe “ revivais ”, et par l’emploi de l’infinitif passé “ avoir figé ”. La définition en langue de “ rémanence ” qualifie en outre les “ vibrations ” de “ positives ou négatives ”. Or le poème fait référence à des événements qui ont pu être perçus positivement au moment de leur déroulement, mais qui ont subi une sorte de dépréciation, de dévaluation postérieure, — on parle d’ailleurs parfois de la “ rémanence des maux ” 330 — : le miroir se fait “ aigre ”, l’assiette est “ aveugle ”, la gorge “ serrée ”, et le chemin de l’amour condamné. Le réel s’avère “ dévasté ”, même si la part d’ “ irréel intact ” en lui veut resurgir, comme une part préservée par le souvenir.
“ Aromates chasseurs ”, Aromates chasseurs, O. C., p. 512.
.Ces définitions sont empruntées au TLF. La citation qui accompagne la dernière définition citée est intéressante par rapport à la situation de “ Rémanence ” : “ les rémanences ou la mémoire des murs ou la mauvaise haleine du passé ”.
Selon Le grand Larousse de la langue française.