1. Titre et sous-titre : un saut qualitatif annoncé

Le titre et le sous-titre concentrent toute l’évolution de l’extensité dans le poème : ils présentent chacun un extrême de cette extensité, dans l’ordre précis où ils vont se présenter, sans transition, juxtaposés comme dans le poème.

Le nom propre “ Yvonne ” a une forte valeur référentielle : il renvoie à un référent particulier spécifique dont on connaît l’existence dans la vie de René Char. L’univers du poème puise ici dans la biographie de l’auteur. On devine en effet derrière ce prénom la figure d’Yvonne Zervos, amie très chère du poète, qui anima par sa revue des Cahiers d’art le monde artistique de l’après-guerre. Par son titre, le poème ressortit donc à la forme de l’hommage.

Dans le sous-titre en revanche, nulle référence précise. Il s’agit même d’une allégorie typique puisque le substantif “ Soif ”, nanti d’une majuscule ambiguë et caractérisé par un adjectif qui s’applique couramment à un être humain, désigne une abstraction. Juxtaposé au prénom “ Yvonne ”, il le reprend mais, sous une forme stylisée, il en dévoile l’essence : Yvonne est la soif incarnée. En outre, le sous-titre précise cette essence que ne dévoile pas l’appellation : cette soif est “ hospitalière ”, caractérisation qui crée un paradoxe dans la mesure où la soif renvoie à un besoin, une attitude de sollicitation, tandis que l’hospitalité est un acte de générosité, de don. Le sous-titre déploie une ontologie, explicite l’être que le prénom ne dit pas : la démunie est prodigue, accueillante.

D’un réel lié à la biographie, à une essence, c’est-à-dire de l’incarnation à la désincarnation, titre et sous-titre proposent un saut qualitatif que le poème va répéter lui en ajoutant une étape intermédiaire.