2. L’extension particulière

Le poème ne reprend pas l’indice biographique, ce qui montre que le titre, s’il a une certaine autonomie, fait partie du texte puisqu’il présente l’élément au plus fort degré référentiel. La première strophe, constituée d’un seul vers, et la deuxième, qui en comprend trois, sont à mi-chemin entre le particulier et le général.

Cet ensemble évoque une femme, dévoilée par le pronom féminin “ elle ”, mais non identifiée dans ces quatre vers, même si le lecteur suppose qu’il s’agit d’“ Yvonne ” par une relation anaphorique avec le titre. L’évocation emprunte la temporalité du récit au passé : passé simple, imparfait et conditionnel esquissent le portrait d’une femme dévouée. Seul un futur de l’indicatif, “ viendront ”, perturbe ce système du passé, mais il est suscité par le sémantisme d’ “ attendre ”. Pronoms et temps construisent un univers de référence où les procès sont actualisés et mis au compte d’une instance, d’un personnage précis dont seule l’identité manque.

On constate que ces procès sont le développement sémantique de l’essence donnée dans le sous-titre : les éléments de l’histoire racontée sont l’application, l’explication des termes “ Soif ” et “ hospitalière ”. En effet, “ boire sans mourir les quarante fatigues ” reprend le substantif “ Soif ” dont il montre en fait l’emploi métaphorique puisque le besoin ne porte pas sur un liquide vital mais sur une activité éreintante. L’intensité de cette activité est dite par l’utilisation symbolique du nombre “ quarante ”, à valeur hyperbolique. La “ Soif ” s’inscrit donc dans un premier paradoxe qui n’apparaissait pas dans le sous-titre et qui concerne l’objet sur lequel elle porte : l’objet de la soif, fait pour l’apaiser, s’avère dysphorique puisque il s’agit de “ fatigues ”, mais cette soif est précisément assumée comme telle. Le troisième vers explicite ensuite le contenu d’ “ hospitalière ” en développant l’idée d’un accueil possible : “ Attendre, loin devant, ceux qui viendront après ”. Un second paradoxe s’établit ainsi entre le fait d’attendre et la position avancée : il fait de la sentinelle un éclaireur. La femme évoquée est donc un être de paradoxes, paradoxe qui porte sur l’objet de la “ Soif ” qui la caractérise, paradoxe dans son association avec la qualité d’hospitalité, paradoxe d’une attente qui est anticipation, paradoxes renforcés dans le quatrième vers par la reconnaissance de la dimension masculine de cette femme : “ De l’éveil au couchant sa manoeuvre était mâle ”. Tous ces paradoxes concourent cependant à faire de cette femme un être d’exception, extra-ordinaire : le poème est bien un hommage, un texte de louange.