2. Plusieurs images pour un seul sens

“ Extrême ” est le terme qui résume le mieux l’alouette, aussi bien pour caractériser la quantité des images qu’elle suscite, que pour en signifier la qualité essentielle. Premier terme du poème, il est potentiellement porteur de toutes les facettes révélées dans les vers suivants. Il concentre l’essence de l’oiseau que les différentes métaphores ne font que renforcer. C’est la possibilité d’une lecture en syllepse d’“ extrême ” qui permet de déployer tous les effets de sens présents dans le poème. Temporellement et spatialement, l’alouette est l’animal qui habite les deux extrémités de la journée. Qualitativement, c’est l’animal intense, superlatif, car il concentre d’innombrables figures dont il incarne en outre le haut degré : l’intensité d’un seul pôle de chaque tension, celui de la lumière par exemple lorsqu’il est feu ; l’intensité de la concentration des contraires dans ces tensions successives, jusqu’au renversement dans le dernier vers. Les images, par leur nombre et leur sens, actualisent les significations d’“ extrême ” dont le sens va bien au-delà d’une valeur temporelle évidente. L’image de la braise, de l’ardeur, du carillon et de la sertissure, sont des manifestations extrêmes de l’essence de cet oiseau qui est d’être extrême, et elles reflètent, dans des circonstances de la vie de l’alouette, son comportement par équivalence et par correspondance. Les différents comparants dérivent ainsi un même thème et construisent le poème.

Dans l’espace plus restreint du fragment, la variation métaphorique peut parfois se condenser encore davantage :

‘Tour à tour coteau luxuriant, roc désolé, léger abri, tel est l’homme, le bel homme déconcertant. 388

La succession des trois images fait de l’homme un paysage changeant. Leur enchaînement est rapide aussi bien dans le temps, car il est signifié par “ tour à tour ”, que dans la phrase, où il apparaît dans la juxtaposition des visages de l’homme. La succession accentue ainsi la soudaineté et l’imprévisibilité de ces variations qui s’inscrivent dans le sens et dans la forme même du fragment. La variation métaphorique y gagne une rare cohérence.

Notes
388.

“ Le Rempart de brindilles ”, La Parole en archipel, O. C., p. 361.