A la suite de Roman Jakobson, Gérard Genette en vient à qualifier de métonymique toute continuité narrative elle-même. Les emplois métonymiques qu’il met en évidence chez Proust se fondent sur une contiguïté spatiale, puisque la métonymie motive la métaphore en fournissant le comparant, et narrative parce qu’elle lui succède en développant l’univers du souvenir. De la contiguïté référentielle en amont de la métaphore, à la continuité discursive de l’univers représenté en aval de la métaphore, il y a un saut, mais il permet de faire de la métonymie le principe même de tout récit : “ [...] sans métonymie, pas d’enchaînement de souvenirs, pas d’histoire, pas de roman ” 471 . Cette extension dévolue à la métonymie en fait le principe même de la prose, si bien que la métonymie dans la métaphore refléterait parfaitement la mixité de l’écriture proustienne, prose et poésie à la fois. Développée narrativement, l’évocation du monde de l’enfance dans “ Le Bruit de l’allumette ” serait métonymique, comme chez Proust, au sens de Genette. Or, d’une part, la métonymie n’est en rien spécifiquement narrative dans la poésie de René Char et, d’autre part, l’extension donnée à la notion de métonymie implique un saut beaucoup trop grand de la contiguïté référentielle à la contiguïté narrative. La métonymie devient un principe explicatif trop puissant.
Si la métonymie a quelque chose à voir avec la contiguïté référentielle, elle n’a en revanche rien à voir avec la contiguïté narrative qui conduit trop rapidement à une systématisation de l’opposition entre la métaphore et la métonymie, à laquelle vient se superposer une dangereuse opposition entre la poésie et le récit. La définition de la contiguïté reste toutefois problématique : si elle s’enracine dans le réel, elle dépasse sans aucun doute le monde phénoménal, mais sans pouvoir être étendue à la caractérisation d’un type ou d’une forme littéraire.
Ibid., p. 63.