2. Un contexte particularisant

Lire une circonstance, un événement, n’est possible que lorsque le contexte y invite. Le second paragraphe de “ Scène de Moustiers ” introduit l’actualité de façon double, à la fois dans l’univers référentiel et dans un univers analogique. Mais ce n’est pas l’emploi du présent qui signifie l’actuel. Au contraire, avec des verbes pronominaux sémantiquement imperfectifs comme s’enfoncer, se meurtrir et s’affaisser, le présent prend une valeur durative, confirmée lexicalement par l’emploi de tarder à. C’est le contexte qui particularise les procès, à la fois par des indices énonciatifs et des indices temporels. Il personnalise l’énonciation avec la deuxième personne du singulier qui laisse certes place à la troisième personne du singulier, mais à travers le développement d’un comparant, dans une séquence analogique où l’ours est le double de l’allocutaire : “ Te voici comme l’ours blanc [...] ”. Le présentatif “ voici ” renvoie en outre à l’actualité car il permet de désigner un référent situé dans la situation d’énonciation : formé sur le verbe voir et le déictique -ci, il prend ici pleinement cette valeur déictique puisqu’il annonce une analogie qui va être développée, ce qui la rend encore plus visuelle. Un indicateur temporel précis, “ hier ”, introduit une date par rapport au moment de l’énonciation, date qui constitue une rupture dans une continuité temporelle et fait des circonstances précédentes une scène singulative. D’ailleurs, c’est sur le plan de l’image, et dans le récit qu’elle développe, que s’effectue un retour dans le passé avec l’emploi de l’imparfait qui renforce la rupture. Le dernier paragraphe revient à la deuxième personne du singulier, au comparé et fait de la scène de la banquise une “ neige intérieure ”. Si le présent a, comme dans la séquence narrativo-descriptive de l’analogie avec l’ours, une valeur actuelle, elle n’est en revanche plus sur le plan de l’image, mais bien de nouveau sur celui de l’énonciation.