“ Scène de Moustiers ” part du général pour progresser vers le particulier, exprimé à travers deux scènes. D’une part, un événement particulier concret concerne la représentation d’un ours, de façon anecdotique sur le plan de l’énoncé. D’autre part, une autre situation particulière s’établit au niveau de l’énonciation, entre deux interlocuteurs. Mais le présent de l’indicatif n’exprime pas l’actualité de lui même : il la signifie en contexte.
C’est avant tout le contexte qui détermine la valeur temporelle du procès car il donne des instructions de temps sous la forme d’adverbes, d’adjectifs, de compléments... : “ [...] il s’agit des valeurs, non pas du verbe au présent lui-même, mais de l’énoncé dans lequel se trouve le verbe au présent. En d’autres termes, ce n’est pas le verbe au présent qui signifierait expressément telle ou telle valeur temporelle, mais c’est l’énoncé au présent qui serait situé dans le temps par l’une ou l’autre de ses données énonciatives. Et par ses données énonciatives, il faut entendre soit un élément de son contexte antérieur, soit la situation énonciative elle-même dans laquelle il apparaît, soit enfin la situation référentielle désignée par son contenu ” 581 . Les deux valeurs essentielles, la particularisation et la généralisation, s’appuient ainsi sur des éléments linguistiques précis de l’énoncé : indicateurs temporels, marques de l’énonciation, composante rhétorique, détermination nominale en sont les principaux. C’est l’expression “ à tout moment ” qui déclenche une lecture généralisante, tandis que “ voici ” et “ hier ” suscitent une interprétation spécifique, signifiée également par la présence de la seconde personne du singulier. Si un seul indicateur temporel suffit parfois, c’est souvent la conjonction de plusieurs instructions de ce type qui déterminent la tendance spécifique ou la tendance générique d’une lecture.
On voit donc bien désormais comment peut se faire le passage d’un présent particulier, plus ou moins actuel si on conserve ce terme traditionnel, à un présent généralisant.
Christian Touratier, op. cit., p. 87.