1. De la formule de vérité à l’énoncé bref et discontinu

La majorité des aphorismes empruntent à des énoncés formulaires typiques, mais plus ou moins fréquents.

a/ L’expression analytique : “ Encart ”

Trois fragments d’ “ Encart ” prennent la forme de définitions :

‘Les routes qui ne promettent pas le pays de leur destination sont les routes aimées.

La générosité est une proie facile. Rien n’est plus attaqué, confondu, diffamé qu’elle. Générosité qui crée nos bourreaux futurs, nos resserrements, des rêves écrits à la craie, mais aussi la chaleur qui une fois reçoit et, deux fois, donne.
[...]
En amour, en poésie, la neige n’est pas la louve de janvier mais la perdrix du renouveau. 669

Le verbe être est l’outil principal de ce type de formulation, qu’il apparaisse dans les constructions de l’attribut ou, précédé du pronom démonstratif neutre, dans les présentatifs et les constructions clivées. Ces définitions n’ont toutefois rien de lexical. La vérité charienne étant une vérité d’expérience, les définitions font sens dans le poème, en contexte et en situation. Dans le second aphorisme cité, “ proie facile ” est surdéterminé en contexte par la suite du texte, avec les termes “ attaqué ”, “ confondu ” et “ diffamé ”. L’expression définitionnelle repose alors sur une métaphore filée. Dans le dernier aphorisme, la définition opère cette fois par opposition entre deux entités équivalentes dont la confrontation permet d’effacer une idée reçue. De cette confrontation s’établit la nuance visée : si la neige est un animal, c’est une perdrix, non un loup. La définition se fonde sur des éléments linguistiques attendus dans ce type de formulation, mais elle leur associe des faits plus directement liés à la poétique charienne, comme l’image et l’expression d’une asymétrie.

Notes
669.

“ Encart ”, Le Nu perdu, O. C., p. 466.