c/ L’expression prédicative : “ Souvent Isabelle d’Egypte ”

L’expression prédicative est la plus courante. Dans “ Souvent Isabelle d’Egypte ”, les troisième, cinquième et septième énoncés sont des énoncés assertifs. Les deux premiers sont proches de proverbes existants :

‘Fine pluie mouche l’escargot.

L’absence d’article devant le nom sujet et l’article défini prédéterminant “ escargot ” suscitent un “ débrayage ” 672 énonciatif et favorisent l’interprétation gnomique du présent de l’indicatif, sur le modèle de Chat échaudé craint l’eau froide. Le syntagme pluie fine est un préconstruit du langage, et pluie apparaît dans le proverbe Petite pluie abat grand vent. Si l’association du sujet et du verbe est inattendue dans l’énoncé charien, le verbe moucher et son complément ont néanmoins tous deux un rapport avec une substance du même type, les mucosités du nez et la bave de l’escargot. En outre, ce verbe est présent dans le proverbe Qui se sent morveux se mouche. Un autre énoncé du poème entretient un rapport non plus énonciatif avec des proverbes existants, mais syntaxique :

‘Lit le matin affermit tes desseins. Lit le soir cajole ton espoir, s’il fuit.

est construit sur une symétrie syntaxique fréquente dans les proverbes : En avril, n’ôte pas un fil ; en mai, fais ce qu’il te plaît ; Heureux au jeu, malheureux en amour ; Noël au balcon, Pâques au tison ; Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait etc. Cette symétrie est en outre renforcée par la proximité sémantique avec d’autres proverbes. Si un proverbe concernant le lit existe, Comme on fait son lit, on se couche, le rapprochement s’effectue plutôt avec celui qui oppose le matin et le soir en les mettant en rapport avec une axiologie : Araignée du matin, chagrin, araignée du soir, espoir. On retrouve en effet dans l’aphorisme de René Char l’opposition temporelle mais également l’écho phonique entre soir et espoir. L’araignée disparaît de cet aphorisme, mais pour réapparaître dans le dernier. René Char semble véritablement jouer avec une forme qu’il utilise en en explorant les modèles. Le titre, qui est une citation tirée d’un conte, donne le mode d’emploi du texte : c’est la fiction qui s’introduit dans les énoncés de vérité, où le nom propre se fait mythique comme Estropios, et où le temps relate des circonstances actuelles plus que générales.

Notes
672.

Nous empruntons le terme à Jacques Fontanille, qu’il définit comme “ l’inverse de l’opération d’embrayage, c’est-à-dire un retrait de l’opération d’énoncé par rapport à l’énonciation ” (op. cit., p. 36).