a/ Nominalisation et thématisation

Plusieurs énoncés du poème “ Le Terme épars ” présentent une thématisation des prédicats. Ces derniers entrent souvent dans le groupe nominal par la détermination du nom. C’est le cas pour l’adjectif de “ folles feuilles ” et celui de l’“ incurieuse vérité ”. L’antéposition de l’adjectif marque d’ailleurs une caractérisation subjective qui est prédicative. Mais on observe également un déplacement général des éléments des circonstants vers le groupe sujet, comme dans le cas de la métonymie d’abstraction. Dans la phrase “ L’arbre de plein vent est solitaire ”, le groupe nominal prépositionnel qui complète le nom arbre relève d’un tel déplacement même s’il a la forme classique d’un complément du nom. La circonstance est devenue l’élément de détermination de ce nom sujet. Les compléments “ sous terre ” et “ sur la terre ” de l’aphorisme “ L’oiseau sous terre chante le deuil sur la terre ” sont, de façon encore lus nette, attirés par les deux noms qui occupent les fonctions de sujet et de complément d’objet direct du verbe chanter : plus que des compléments circonstanciels, ce sont des épithètes qui viennent préciser les substantifs oiseau et deuil. C’est le groupe nominal qui est privilégié, dans sa valeur notionnelle. Les circonstants et les éléments prédicatifs, traditionnellement identifiés au verbe, tendent à être pris en charge par ce groupe.

L’emploi des subordonnées relatives dans “ Le Terme épars ” reflète parfaitement l’intégration de la prédication dans le groupe nominal. Les différents types de relatives montrent d’ailleurs les degrés possibles d’un tel transfert. Dans un syntagme nominal comme “ la plage où vient mourir un livre ”, la relative, déterminative, dépend d’un nom, tandis que la relative “ Qui convertit l’aiguillon en fleur ” relève des relatives substantives où le groupe verbal est devenu à la fois un constituant nominal et le groupe sujet de la phrase : il a ainsi acquis une totale autonomie syntaxique.

Enfin les prédicats perdent souvent leur nature verbale et deviennent des formes apparemment soumise au mode in posse : c’est le cas du participe passé “ commandés ” du cinquième aphorisme, ainsi que du participe présent et du gérondif du dernier aphorisme, “ abandonnant ” et “ en [...] promettant ”. Est d’ailleurs significatif de l’évolution de ces termes le fait qu’ils perdent leur statut de verbe tout en en conservant les constructions.

Ainsi, dans la phrase “ Maison qui s’exhausse, sentiers sans miettes ”, “ qui s’exhausse ” et “ sans miettes ” semblent être des éléments prédicatifs par rapport au thèmes que sont les noms “ maisons ” et “  sentiers ”. Mais ne peut-on pas considérer que ces prédicats sont devenus des éléments de détermination du nom, le premier comme relative déterminative, le second comme complément du nom ? L’incertitude place alors l’énoncé à ce point d’équilibre ou de déséquilibre entre une prédication maintenue, malgré l’absence de groupe verbal traditionnel, et une thématisation fondée avant tout sur la nominalisation de certains constituants.