1. Récit et formule

L’écho peut être dispersé à l’intérieur d’un même recueil. L’aphorisme suivant dans “ Les Dentelles de Montmirail ” :

‘Ce n’est pas l’estomac qui réclame la soupe bien chaude, c’est le cœur. 723

trouve en effet un écho narratif dans “ Le lied du figuier ” :

‘Tant il gela que les branches laiteuses
Molestèrent la scie, se cassèrent aux mains.
Le printemps ne vit pas verdir les gracieuses.

Le figuier demanda au maître du gisant
L’arbuste d’une foi nouvelle.
Mais le loriot son prophète,
L’aube chaude de son retour,
En se posant sur le désastre,
Au lieu de faim, périt d’amour. 724

C’est de l’expérience du loriot que jaillit le véritable motif de la mort d’un être vivant, mort qui n’est pas une mort biologique, causée par la “ faim ”, mais affective puisqu’elle est due à un défaut d’ “ amour ”. Ce dernier vers fait directement écho à l’aphorisme dans la mesure où le sentiment amoureux a pour siège le cœur. On constate d’ailleurs que l’aphorisme n’est pas la forme où le concept apparaît : il conserve les termes physiologiques “ estomac ” et “ cœur ”. Les concepts de “ faim ” et d’ “ amour ” sont présents à la fin du récit qui les fait émerger. S’il on peut trouver un écho entre l’aphorisme et le poème en vers, cet écho entraîne un brouillage des catégories habituelles qui relient plus volontiers la métaphore au poème et le concept à l’aphorisme.

Notes
723.

“ Les Dentelles de Montmirail ”, La Parole en archipel, O. C., p. 414.

724.

“ Lied du figuier ”, Le Nu perdu, O. C., p. 432.