1. L’emblème dans le poème

La mise en scène de la représentation picturale n’est pas fréquente mais suffisamment récurrente pour être significative. La “ paroi ” de la grotte de “ Lascaux ” donne matière à quatre poèmes qui ont des allures de vignettes ⁷⁴¹ , à la fois par leurs dimensions réduites et leur valeur symbolique puisque de l’élément représenté émerge, par le poème, une vérité : c’est l’explicite “ Sagesse ” de “ La Bête innommable ” ⁷⁴² . La “ prairie ” rassemble également des vignettes qui relèvent du bestiaire. On retrouve d’ailleurs le serpent du bestiaire d’Apollinaire constitué d’emblèmes, mais l’oiseau charien est une alouette, alors qu’Apollinaire évoque la colombe, le paon, le hibou et l’ibis, et la truite du monde de la “ prairie ” remplace le dauphin, le poulpe, la méduse, l’écrevisse et la carpe d’Apollinaire.

“ Célébrer Giacometti ” ⁷⁴³ présente plus nettement encore l’effet de mise en scène de la représentation : le rapport au tableau fonctionne comme dans “ Justesse de Georges de La Tour ”, avec un niveau de plus, celui de la réalité, puisque le “ modèle ” est évoqué. Certains poèmes présentent en revanche seulement un effet de tableau, un effet d’encadrement : c’est la “ verrine ” du poème du même nom, qui est un élément protecteur placé devant une œuvre ; c’est la désignation du poème par le texte lui-même comme “ naïf tableau ” dans “ Cérémonie murmurée ” ⁷⁴⁴  ; c’est, de façon moins évidente, un démarcation syntaxique et sémantique dans l’isolement du dernier vers de “ “ Evadé d’archipel ” ⁷⁴⁵ et “ Réception d’Orion ” ⁷⁴⁶ .

Ces faits ne sont que des effets textuels de représentation picturale, et ils préfigurent, au sein du poème, une tendance picturale réelle qui va se développer comme contexte de l’œuvre écrite.