1.8. Conclusion

Pour Freud le transfert, et de ce fait la situation analytique, représente un mouvement à sens unique de l’analysé à l’analyste. Le rôle de « miroir » assigné par Freud à l’analyste montre que celui-ci doit se limiter à accueillir tout ce qui vient vers lui, plutôt qu’être un interlocuteur. En ce sens la situation analytique n’est pas conçue comme une relation à deux impliquant un mode relationnel d’échanges, non pas que l’existence ni l’importance du contre-transfert lui échappe, bien au contraire. Mais malgré cette importance, ou peut-être à cause d’elle, cet aspect si fécond de l’analyse est néanmoins mis de côté pendant longtemps.

La communauté psychanalytique a mis beaucoup de temps pour reconnaître la dimension affective du contre-transfert dans le fonctionnement mental de l’analyste. Encore aujourd’hui l’accord est loin d’être unanime sur la définition, la théorie et la technique du contre-transfert. Toutefois la plupart des psychanalystes sont convaincus de l’importance primordiale du mode d’échange, de la relation à deux qui se crée entre analyste et analysé dès que s’installe la situation analytique. L’article de P. Heimann, cité précédemment, a mis en évidence l’intérêt de ce concept tout en dénonçant la fausse image de l’analyste « détaché », le prétendu modèle du miroir insensible, en préconisant le bon usage des « réponses émotionnelles ». L’idée de « maîtrise », et même d’élimination des réactions contre-transférentielles par l’attitude de neutralité, a fait place à une utilisation bénéfique du contre-transfert. Cette dimension est particulièrement présente dans le traitement des psychotiques, car les symptômes psychotiques sont tels que les patients psychotiques projettent beaucoup plus leurs affects sur l’analyste que les névrosés.

J. Laplanche et J.B. Pontalis dans le Vocabulaire de la psychanalyse, distinguent trois orientations techniques :

La première est restrictive : il s’agit de réduire le plus possible les manifestations contre-transférentielles par l’analyse personnelle de façon à ce que la situation analytique soit, à la limite, structurée comme une surface projective par le seul transfert du patient. Dans ce cas le contre-transfert est considéré comme un obstacle dangereux gênant le processus analytique. Il apparaît comme un aménagement strictement défensif de l’analyste confronté au transfert de son patient.

La seconde position consiste à utiliser, tout en les contrôlant, les manifestations de contre-transfert dans le travail analytique, en poursuivant l’indication de Freud selon laquelle :

‘« [...] chacun possède en son propre inconscient un instrument avec lequel il peut interpréter les expressions de l’inconscient chez les autres. »89

Cette vision des choses reste empreinte de prudence.

La troisième orientation correspond au point de vue de M. Neyraut dans lequel celui-ci postule la précession du contre-transfert sur le transfert. Cette vision a particulièrement attiré mon attention. En effet, dans cette approche, le contexte psychanalytique et par extension le contexte institutionnel, est premier. Il constitue de la sorte « le moule » dans lequel la relation transférentielle va s’inscrire.

Notes
89.

Vocabulaire de la psychanalyse, op. cit., p. 103. (100)