2.3.1. M. Klein : éléments introductifs

C'est M. Klein qui introduit la notion de psychose infantile. L'apport essentiel par rapport à S. Freud est d'avoir décrit et conceptualisé un modèle de fonctionnement psychique des premiers mois de la vie. Première psychanalyste de très jeunes enfants, elle décrit le monde archaïque du nourrisson et la problématique de l'angoisse, la situant bien en deçà de la crainte de la castration. Pour M. Klein, il existe dès la naissance un "moi" capable d'éprouver de l'angoisse, d'employer des mécanismes de défense, et d'établir des relations d'objet, bien que ce "moi" soit encore en grande partie inorganisé. Ensemble d'anxiétés et de défenses, les positions schizoparanoïdes et dépressives apparaissent successivement lors des premiers mois du développement psychique de l'enfant. La position schizoparanoïde se caractérise par une relation du nourrisson avec des objets partiels. Celui-ci est dominé par des pulsions destructrices sadiques, ou orales, et par des angoisses paranoïdes persécutrices. Le principal mécanisme de défense est le clivage. Le sein maternel, objet partiel, est d'emblée clivé en "bon" et "mauvais" objet. Progressivement et à condition que les bonnes expériences l'emportent sur les mauvaises, le moi de l'enfant se construit, acquiert une confiance suffisante pour accéder à la position dépressive. Cette position se particularise par une relation à l'objet total, par la prédominance de l'ambivalence, de l'angoisse dépressive et de la culpabilité. Le nourrisson commence à s'apercevoir que les sensations bonnes ou mauvaises proviennent d'une même mère. Les mécanismes de clivage s'atténuent et les pulsions d'amour et d'agressivité convergent vers le même objet, c'est l'ambivalence. Cette expérience nouvelle fait naître de nouveaux sentiments : la sensation douloureuse d'avoir endommagé l'objet et le besoin de le réparer. Pour M. Klein, les positions schizoparanoïdes et dépressives existent dans le développement de tout individu et doivent être dépassées.

‘« L’échec de la position dépressive expose l’enfant à la maladie mentale. M. Klein indique tout d’abord que le point de fixation de la paranoïa se situe avant la position dépressive et celui de la mélancolie dans les premières phases de cette position. Le point de fixation de la schizophrénie est antérieur encore à celui de la paranoïa [...] La position dépressive apparaît comme la croisée des chemins entre les points de fixation des névroses et ceux des psychoses. »118

La formulation du concept d’identification projective aide davantage à comprendre comment les processus psychiques archaïques structurent la formation de la psyché.

‘« L’identification projective condense plusieurs aspects de la relation primitive à l’objet, à laquelle concourent les mécanismes de clivage, de projection, de déni et d’omnipotence. Elle est, par excellence, le mécanisme de défense contre l’angoisse utilisé au niveau de la position schizo-paranoïde. »119

Ce qui est à noter, c’est que ce sont des phénomènes normaux, communs à tous les sujets et qui à un moment se crispent et deviennent pathologiques.

‘« Elle représente une défense normale, dans les premières étapes du développement, contre toute reconnaissance d’une distinction entre le sujet et l’objet auquel le Moi reste ainsi réuni et fusionné, mais son usage trop prolongé ou excessif entraîne un appauvrissement et une mutilation plus ou moins graves du Moi, celui-ci ne pouvant poursuivre son développement qu’à partir d’un certain degré de reconnaissance de la différenciation entre le Self et l’objet, qui survient au moment de la position dépressive. »120

Les travaux de M. Klein ouvrent la voie de l’étude des fonctionnements psychiques archaïques. Deux aspects de ces recherches ultérieures que je vais développer ci-dessous ont attiré mon attention : les travaux sur la fonction « contenante » et sur sa défaillance ; les travaux post-kleiniens menés par F. Tustin, D. Meltzer qui se démarquent en faisant état de l’existence d’états primitifs de non intégration, où ni le moi ni l’objet ne sont plus donnés d’emblée au psychisme humain.

Notes
118.

BEGOIN J., GUIGNARD-BEGOIN F., Psychoses et névroses de l’enfant dans l’oeuvre de M. KLEIN, p. 982. (13)

119.

Ibidem, p. 984,985. (13)

120.

Psychoses et névroses de l’enfant dans l’oeuvre de M. KLEIN, op. cit., p. 985. (13)