2.3.3.4. Les stéréotypies

Selon D. Ribas, l’autisme infantile conduit aux limites du champ psychanalytique avec l’intervention de l’ordre vital et de la mort. Lorsque l’on travaille avec des enfants autistes on ne peut pas ne pas être fasciné et impressionné par l’importance des forces de mort. Pour lui :

‘« Les stéréotypies font partie du tableau clinique de l’autisme infantile, évoquant immédiatement ce diagnostic. Mais, plus encore, ces autostimulations corporelles et sensorielles semblent avoir une place centrale dans l’économie du fonctionnement autistique, et rester un recours prioritaire face à l’excitation et à l’angoisse dans les états post-autistiques. »132

D. Ribas considère qu’elles semblent résumer et sidérer l’activité psychique de l’enfant autiste. Il poursuit :

‘« L’application de cette notion à l’autisme confirme ainsi le caractère mortifère, à l’opposé de la vie fantasmatique, de ce traitement de l’excitation par la pulsion de mort. La désintrication n’est pas absolue, la vie est maintenue. »133

Pour F. Dolto le sujet se désolidarise de son corps.

‘« C’est comme un retrait de désir du sujet, qui tend à se reposer du travail de vivre avec son corps dans la réalité. »134

Freud introduit la notion de pulsion de mort dans « Au-delà du principe de plaisir ». Elle représente la tendance fondamentale de tout être vivant à retourner à l’état anorganique :

‘« [...] si nous admettons que l’être vivant est venu après le non-vivant et a surgi de lui, la pulsion de mort concorde bien avec la formule [...] selon laquelle une pulsion tend au retour à un état antérieur. »135

Elle fait de la tendance à la destruction, telle qu’elle se révèle par exemple dans le sadomasochisme, une donnée irréductible. Elle est l’expression privilégiée du principe le plus radical du fonctionnement psychique, elle lie enfin indissolublement, dans la mesure où elle est « ce qu’il y a de plus pulsionnel », tout désir, agressif ou sexuel, au désir de mort. Freud la juge être à la base du principe premier de fonctionnement de l’appareil psychique. Ce dernier repose sur la tâche, jamais achevée, toujours à recommencer, qui consiste à rabaisser l’excitation et, donc, la tension de l’organisme au degré le plus bas possible. Pour Freud, à première vue, c’est la recherche de la satisfaction, le principe de plaisir, qui ramène le sujet, par la décharge pulsionnelle, à ce point d’étiage. Mais plus fondamentalement, Freud y voit aussi l’expression de la pulsion de mort puisque ce retour au point de départ, au niveau minimum d’excitation, est en quelque sorte l’écho de la tendance qui pousse l’organisme à revenir à son origine, à son état premier de non-vie, c’est à dire à la mort.

A. Green rappelle qu’il est impossible de dire quoi que ce soit de la pulsion de mort sans se référer à l’autre terme de la paire qu’elle forme avec la pulsion de vie. Même si on pose les pulsions comme des entités premières, fondamentales, c’est à dire originaires, il faut néanmoins admettre que l’objet est le révélateur des pulsions. Il ne les crée pas mais il est la condition de leur venue à l’existence. Et c’est de cette existence que lui-même sera créé tout en étant déjà là. Telle est l’explication de l’idée de Winnicott du « trouver-créé ».

Pour A. Green,

‘« [...] la visée essentielle des pulsions de vie est d’assurer une fonction objectalisante. Ceci ne signifie pas seulement que son rôle est de créer une relation à l’objet, mais qu’elle se révèle capable de transformer des structures en objet, même quand l’objet n’est plus directement en cause. En revanche, à l’opposé, la visée de la pulsion de mort est d’accomplir aussi loin que possible une fonction désobjectalisante par la déliaison. La manifestation propre à la destructivité de la pulsion de mort est le désinvestissement. La fonction désobjectalisante dominante dans le tableau clinique de la mélancolie se rencontre aussi dans celui de l’autisme infantile. »136
Notes
132.

RIBAS D., Procédés autocalmants, répétitions et autismes précoces, p. 76. (121)

133.

Procédés autocalmants, répétitions et autismes précoces, op. cit., p. 76. (121)

134.

DOLTO F., L’image inconsciente du corps, p. 216. (33)

135.

Vocabulaire de la psychanalyse, op. cit., p. 172. (100)

136.

GREEN A., Le travail du négatif, p. 118. (66)