3.2.2. L’institution : cadre et processus

L’étude de J. Bleger met en relief les éléments invariables du cadre psychanalytique : le rôle de l’analyste ainsi que l’ensemble des facteurs affectant l’espace et le temps que sont les horaires, la ponctualité et les interruptions. J. Bleger se questionne sur l’invisibilité habituelle du cadre et sur ce qui le fait apparaître à certains moments. Pour lui, le cadre se révèle

‘« [...] la partie la plus primitive de la personnalité, c’est l’élément fusionnel Moi-corps-monde, de l’immuabilité de laquelle dépendent la formation, l’existence et la différenciation (du moi, de l’objet, de l’image du corps, du corps, de l’esprit, etc).»173

J. Bleger compare la situation psychanalytique à la relation mère/enfant, qui permet à celui-ci de développer son moi :

‘« Le cadre a une fonction comparable; il agit comme support, comme étai, cependant nous ne le percevons pour le moment, que lorsqu’il se modifie ou se casse. »174

La notion de cadre est importante dans les institutions de soins ou éducatives qui accueillent des enfants psychotiques et autistes. Le cadre de travail définit les grandes lignes de conduite. Le choix de l’équipe, le respect des jours d’ouverture et des horaires font rigoureusement partie du processus de soin ou d’éducation.

‘« Le développement du moi, dans l’analyse, dans la famille, ou au sein de n’importe quelle institution, dépend de l’immuabilité du non-moi. Cette dénomination de non-moi nous le donne à penser comme quelque chose de non-existant, alors qu’il existe réellement et à ce point que c’est de ce « méta-moi » que dépend la possibilité même de maintenir le non-moi. »175

Le groupe institutionnel fonctionne comme une enveloppe contenante, délimitante, protectrice et qui permet les échanges avec l’extérieur. L’étanchéité, la souplesse, la perméabilité, la solidité au service de la contenance institutionnelle pour aider à la construction du moi, des pensées et de la vie fantasmatique de l’enfant sont les qualités principales de l’enveloppe institutionnelle.

Toute rupture dans le cadre provoque des angoisses : en effet ce qui était déposé dans le cadre envahit l’espace. L’angoisse catastrophique entraîne le recours à des mécanismes de défense tels que le clivage, la projection, l’immobilisation.

Alors que le cadre est la partie immobile qui reçoit les projections des angoisses psychotiques et autistiques, S. Urwand précise que :

‘« [...] le groupe lui-même est lieu de projection, en tant qu’objet/groupe, de toute sa sensorialité primitive, de ses fantasmes, de ses imagos, des topiques subjectives des membres de l’équipe. Le groupe organise un contenu, espace d’une figuration des systèmes de relations d’objets internes, des instances psychiques de la deuxième topique et de l’articulation des sous-systèmes (ça, moi, moi-idéal, surmoi, idéal du moi) ; des condensations sont possibles entre les niveaux d’une même instance (moi/moi corporel, surmoi/surmoi archaïque représentant la tyrannie de la partie psychotique). »176

Le cadre permet l’expression du contenu et sa transformation. En effet, tout comme la capacité de rêverie de la mère rend possible l’établissement d’un système de transformation de l’angoisse, l’institution de soins ou d’éducation est idéalement conçue comme un contenant, un lieu recevant les vécus bruts de l’enfant et capable de les métaboliser de façon à les renvoyer sous une forme assimilable. Cette fonction appelée cadre-conteneur par R. Kaës, assure par sa stabilité et sa permanence, un étayage corporel, social et psychique. Sur ce fond peuvent se travailler des mouvements de conflictualisation par l’intermédiaire de l’équipe thérapeutique.

Notes
173.

Psychanalyse du cadre psychanalytique, op. cit., p. 265. (20)

174.

Ibidem, p. 260. (20)

175.

Psychanalyse du cadre psychanalytique, op. cit., p. 264. (20)

176.

URWAND S., La capacité de rêverie institutionnelle, p. 39. (136)