3.3.1. Deux approches originales : Lourau et Guattari

Dans l’analyse institutionnelle, qui allie une méthode de connaissance inductive et un mode d’analyse en situation qui se rapprochent de la clinique psychanalytique, le contre-transfert et le transfert sont des instruments d’analyse d’une situation. L’analyse institutionnelle se donne comme objectif de dévoiler ce que l’institution tient caché à ses membres. R. Lourau dans son ouvrage « L’analyse institutionnelle », propose une méthode d’intervention en situation consistant à analyser les rapports que les multiples parties en présence dans le jeu social entretiennent avec le système manifeste et caché des institutions. L’analyste, selon lui, est impliqué dans le réseau d’institutions qui lui donne la parole. Pour comprendre son contre-transfert l’analyste d’institutions doit regarder comment varient ses réponses aux individus et à l’institution. Pour Lourau, il s’agit de :

‘« La réponse que l’analyste fait aux clients en fonction des différenciations du « travailleur collectif » en statuts, âges, sexes. »188
« La réponse qu’il fait à l’organisation cliente en tant qu’institution et en tant que s’inscrivant dans un système singulier d’institution. »189
« La réponse qu’il donne aux transferts de sa propre organisation analytique. »190

F. Guattari s’intéresse aux rapports des organisations en général avec la politique et la psychiatrie. Défenseur du mouvement anti-psychanalytique classique, il soutient une lecture et une utilisation particulière des concepts de la théorie psychanalytique. Il présente une réflexion qui met en relation l’incidence de la psychanalyse dans le domaine de la psychiatrie, la crise bureaucratique et réformiste des organisations, les problèmes posés par la restructuration du mouvement révolutionnaire. L’analyse institutionnelle selon ces trois axes peut se faire en suivant le principe unique de la transversalité. Selon Guattari :

‘« La transversalité est une dimension qui prétend surmonter les deux impasses, celle d’une pure verticalité et celle d’une simple horizontalité ; elle tend à se réaliser lorsqu’une communication maximum s’effectue entre les différents niveaux et surtout dans les différents sens. »191

Guattari veut de la sorte introduire dans l’institution une fonction politique militante, qui n’est ni la psychanalyse, ni la pratique d’hôpital et qui se veut applicable partout. La mise en place d‘une structure de transversalité dans l’institution implique un éclatement du statut médical. Autrement dit, selon lui, le transfert est distribué à plusieurs soignants et de fait le contre-transfert aussi.

‘« L’acceptation d’être mis en cause, d’être mis à nu par la parole de l’autre, un certain style de contestation réciproque, d’humour, l’élimination des prérogatives de la hiérarchie, tout cela tendra à fonder une loi nouvelle du groupe dont les effets « initiatiques » permettront la venue au jour, d’un certain nombre de signes présentifiant des aspects transcendentaux de la folie qui, jusqu’alors, étaient restés refoulés. »192

Les vécus induits par les psychotiques peuvent être repris au sein du groupe. Dans cette perspective, d’après J. Hochmann,

‘« Guattari tenait l’institution pour un grand divan psychanalytique sur lequel se développent un transfert et un contre-transfert généralisés qualifiés d’institutionnels. »193

Notes
188.

LOURAU R., L’analyse institutionnelle, p.276. (108)

189.

Ibidem, p. 276. (108)

190.

Ibidem, p. 276. (108)

191.

GUATTARI F., Psychanalyse et transversalité, p. 80. (58)

192.

Ibidem, p. 83. (58)

193.

HOCHMANN J., Abord institutionnel des enfants psychotiques, p. 1. (76)