3.4.1.2. Le personnel : des « super parents/thérapeutes »

Le personnel de l’école Orthogénique est soigneusement choisi par Bettelheim.

‘« Notre méthode de sélection du personnel se perfectionna progressivement pour ressembler de plus en plus à celle que nous utilisions pour faire connaissance avec un éventuel patient et décider s’il pouvait se joindre à notre entreprise commune. »210

Les éducateurs doivent avoir un certain nombre de qualités. Ils doivent montrer un moi suffisamment solide pour supporter la maladie mentale.

‘« Les psychotiques sont dans un état de non intégration et peuvent provoquer certaines expériences qui éveillent en nous des blocages affectifs capables de nous plonger dans des états de désintégration si profonds qu’il nous est impossible alors de les assumer lorsque ceux-ci se produisent chez le patient. »211

Les éducateurs doivent s’impliquer physiquement et psychiquement dans l’école. La plupart d’entre eux habite dans l’Ecole. Pour B. Bettelheim participer à l’aventure de l’Ecole Orthogénique est un art de vivre, une façon d’apprendre sur soi-même et sur les autres. De fait, le très grand investissement demandé constitue pour les éducateurs un véritable parcours thérapeutique. Pour B. Bettelheim,

‘« [...] il est important d’apprendre à connaître chez soi et chez les autres la vie de l’inconscient et de l’accepter davantage. En réalité, il ne suffit pas pour créer ce milieu, de partager la même conception de la thérapie. C’est moins le travail collectif auprès du patient que le travail d’élaboration poursuivi dans l’équipe qui permet d’obtenir l’intégration souhaitée du malade. Il semble évident à Bettelheim que, si on n’accorde pas autant d’importance aux problèmes des membres de l’équipe qu’à ceux des patients, ceux-là ne peuvent avoir des réactions claires au comportement pathologique d’un enfant. »212

A l’Ecole Orthogénique le dispositif de réflexion et d’élaboration est très développé. Une fois par jour tout le personnel se réunit pour parler des problèmes de l’école et une fois par semaine une réunion est consacrée à un enfant en particulier. De plus, l’équipe a pris l’habitude de se réunir à une heure tardive dans la soirée après le travail car tous sont imprégnés de ce qui s’est passé dans la journée. Ils éprouvent le besoin d’en parler. Les réunions ne servent pas seulement à communiquer. Le besoin de « savoir » n’est pas comparable à la recherche à l’intérieur de soi, avec l’aide de chacun. Aussi, lors des réunions collectives, B. Bettheleim aide les membres de l’équipe à comprendre pourquoi l’un d’entre eux n’a pas su percevoir ce qui se passait chez un enfant. Par ses questions, il cherche à savoir pourquoi tel éducateur agit d’une certaine façon face à une situation donnée, tandis que tel autre procède différemment. Une grande intimité existe dans l’équipe : tous les soignants connaissent les réactions de chacun d’entre eux à l’égard d’eux-mêmes, de l’environnement psychanalytique, du travail. Bettheleim insiste sur le fait qu’il est plus important de comprendre que de savoir qui a « raison » ou « tort ». Comprendre comment et pourquoi la personnalité et le passé de tel individu le pousse à adopter tel ou tel comportement à l’égard du patient et comment ces facteurs personnels peuvent être récupérés au bénéfice de l’éducateur, du patient et surtout de l’institution thérapeutique. Bettelheim fait la démonstration des avantages de cette façon de travailler :

‘« Après avoir compris et vaincu les résidus de leur passé qui apparaissaient dans leur relation avec le patient, les membres de l’équipe parvenaient à une perception autre, immédiate, profonde des problèmes du patient : ils sont capables d’analyser pourquoi ils éprouvaient tel sentiment et se comportaient de telle manière à l’égard d’un enfant. »213
Notes
210.

Un lieu où renaître, op. cit., p. 310. (15)

211.

Ibidem, p. 263. (15)

212.

Un lieu où renaître, op. cit., p. 264. (15)

213.

Un lieu où renaître, op. cit., p. 264. (15)