3.4.2.1. Le cadre : un principe de non ségrégation

A l’inverse de l’institution psychiatrique traditionnelle, un principe de non ségrégation préside à l’ouverture de Bonneuil. Il se matérialise dans l’accueil des enfants sur un mode de fonctionnement idéal, à savoir: un tiers d’enfants autistes ou psychotiques, un tiers d’enfants dits débiles ou caractériels et un tiers d’enfants plus ou moins gravement névrosés. Bonneuil se présente comme un lieu ouvert sur l’extérieur et non comme une institution repliée sur elle-même. R. Lefort, co-fondateur de Bonneuil l’explique dans le livre « Vivre à Bonneuil » :

‘« Une institution est comme une espèce de personne qui se nourrirait des gens qui lui sont confiés. L’institution prend pratiquement une place de toute-puissance ; elle se conduit comme une mère de psychotique et, à aucun moment, le sujet ne peut s’en détacher sans risquer d’éclater. Une institution qui se veut différente - c’est elle, par une espèce d’effet de balance, qui prend l’éclatement à son compte et permet au sujet de se situer au niveau d’une parole, avec la possibilité de se séparer, de se couper de l’institution. Sans que pour autant l’institution en vacille, ou encore lui réclame des comptes. La coupure devient possible , exactement sur le mode de la relation de la mère à l’enfant. Ce que les institutions habituellement sont très peu enclines à faire, pour la bonne raison qu’elles se présentent comme le bien des sujets, qui perdent dans le coup la parole. »216

A Bonneuil, les différentes activités mises en place avec les enfants très atteints ne le sont pas comme prétexte thérapeutique, mais pour permettre à l’enfant d’exprimer sur « une autre scène » ce qui l’agite. Les enfants poursuivent leur analyse à l’extérieur de l’institution. La cuisine, les courses, le travail chez l’artisan ou chez le paysan, le travail scolaire, les ateliers sont à comprendre comme des médiations permettant d’échapper à une situation imaginaire, où tout se noue de l’adulte à l’enfant sans aucune référence tierce.

‘« La notion d’institution éclatée, privilégie la possibilité donnée aux enfants d’aller d’un lieu à l’autre ; ils peuvent aussi bien se trouver à Bonneuil chez les paysans ou les artisans. Enfants et adultes sont à la recherche d’un style de vie, à la recherche d’un accueil qui existait autrefois au niveau de la communauté du village. »217

Dans les moments de crise, le sujet a besoin du soutien d’un adulte qui ne se sente pas en danger d’être détruit. Le problème de la formation de ceux qui travaillent à Bonneuil est donc posé.

Notes
216.

Un lieu pour vivre, op. cit., p. 53. (110)

217.

Ibidem, p. 22. (110)