3.4.2.2. Le personnel : d’un trajet à Bonneuil

Au cours des premières années de fonctionnement de Bonneuil, et avant que l’établissement ne soit agrée en 1975, le personnel est bénévole. Venir travailler à Bonneuil est avant tout une expérience personnelle :

‘« Tout savoir qui ferait de lui (adulte) un spécialiste risque, dans un premier temps, d’alimenter les défenses de l’adulte, et de venir occulter un effet de vérité inhérent au discours symptôme tenu par l’enfant. Le trajet que l’adulte a à effectuer avec un enfant en difficulté, est un trajet qu’il effectue d’abord avec lui-même. »218

A Bonneuil, chacun (enfants, éducateurs, parents) effectue un trajet. On pourrait dire que tout le monde y est en formation permanente, voire plutôt en « déformation permanente » quand le poids d’un savoir universitaire préalable ou les effets imaginaires des titres ou d’une fonction font obstacle à la rencontre avec le patient ou le style propre de l’école. La possibilité d’accueillir des adultes sans formation particulière, mais qui ont le désir de consacrer une tranche de vie à ces enfants, permet de ménager des échanges différents. L’important est de ne pas désirer à la place des malades. M. Mannoni pense qu’il n’y a pas que la voie de la psychanalyse personnelle pour arriver à cela ; il y a heureusement un certain nombre de personnes qui d’une façon spontanée sont suffisamment accueillantes pour ne pas désirer à la place de l’enfant. Elles ont besoin d’une certaine évolution personnelle et d’une certaine ascèse pour en arriver là, mais ceci peut s’acquérir. Cela se fait d’autant mieux dans une équipe où il y a beaucoup de discussions, beaucoup de mises en question personnelles, beaucoup d’autocritiques collectives. Ce qui est fondamental, c’est l’existence d’une équipe ayant l’habitude de la mise en question et de l’autocritique. Selon M. Mannoni, il est nécessaire de se demander sans arrêt: « Qu’est-ce qu’on fait ? Quel est le sens de notre action. Est-ce que les buts que nous poursuivons correspondent bien justement à ce que nous faisons en réalité, plus ou moins consciemment ? »

Parallèlement, la pratique de Bonneuil se soutient d’une approche psychanalytique : la théorie permet un travail de lecture survenant dans l’après-coup ; travail qui vient questionner les trajets individuels et les avatars institutionnels.

Notes
218.

Un lieu pour vivre, op. cit., p. 233. (110)