3.3 La fascination

Le terme fascination est employé par Kanner dès sa description princeps des onze cas d’autisme. Même si le sens diffère un peu en anglais, l’enfant autiste semble mystérieux et inaccessible. J. Hochmann les décrit ainsi :

‘« Les enfants autistes inquiètent et fascinent par l’étrange mélange de grâce et de raideur de leurs attitudes. Leur regard noyé dans un horizon invisible, leur refus de communiquer restent énigmatiques. »232

Les attitudes d’indifférence et de suffisance caractéristiques de la pathologie autistique peuvent être rapprochées du narcissisme. Freud dans « Pour introduire le narcissisme » le définit de la sorte :

‘« Il apparaît en effet avec évidence que le narcissisme d’une personne déploie un grand attrait sur ceux qui se sont dessaisis de toute la mesure de leur propre narcissisme et sont en quête de l’amour d’objet ; le charme de l’enfant repose en bonne partie sur son narcissisme, le fait qu’il se suffit à lui-même, son inaccessibilité ; de même le charme de certains animaux qui semblent ne pas se soucier de nous, comme les chats et les grands animaux de proie ; et même le grand criminel et l’humoriste forcent notre intérêt, lorsque la poésie nous les représente, par ce narcissisme conséquent qu’ils savent montrer en tenant à distance de leur moi tout ce qui le diminuerait. C’est comme si nous les envions pour l’état psychique bienheureux qu’ils maintiennent, pour une position inattaquable que nous avons nous-mêmes abandonnée par la suite. » 233

Dans l’institution la fascination pour l’enfant entraîne la constitution de duos narcissiques : les soignants qui essaient de communiquer et de nouer des relations avec l’enfant autiste, se sentent peu à peu, à leur tour, coupés du monde.

De même comme le souligne J. Hochmann

‘« Il n’y a pas que l’enfant autiste qui est fascinant ; les différents modèles théorico-cliniques de l’autisme infantile, ainsi que les pratiques éducatives ou thérapeutiques qui découlent de chacun d’eux, fascinent à leur tour leurs adeptes. »234

Dans ces conditions, les théories sortent de leur fonction habituelle. Investies brusquement à la manière d’un coup de foudre, utilisées de manière univoque, idéalisées, elles ne sont plus un outil de réflexion et d’ouverture pour les équipes soignantes.

Notes
232.

Cordélia ou le silence des sirènes, op. cit., p. 29. (74)

233.

Pour introduire le narcissisme, op. cit., p. 94. (48)

234.

Cordélia ou le silence des sirènes, op. cit., p. 36. (74)