5.2.2. Aspects des contre-attitudes individuelles

Remarque : les témoignages des soignants concernent la période pendant laquelle les unités A et B fonctionnent séparément dans le grand service de pédopsychiatrie.

5.2.2.1. Premier entretien : une infirmière de l’unité A

F. a travaillé six ans en service adultes. Puis elle a choisi d’intégrer un service d’enfants. Son premier poste la met en relation avec une population d’enfants polyhandicapés. Les enfants présentent des atteintes neurologiques lourdes. Ils sont souvent appareillés, ils ne marchent pas, parlent rarement. Pourtant F. dit : «J’avais besoin de cette transition. Mon but c’était les autistes. Je me suis dit : on va d’abord se confronter à la souffrance physique et puis après on verra la souffrance mentale.» Malgré la souffrance physique elle peut dire que des contacts se sont noués avec les enfants, notamment par le regard. En revanche, le passage dans le service d’autistes est un saut dans l’inconnu. Alors qu’elle a une expérience de six ans en service adulte, elle dit : « C’était mon premier contact avec la maladie mentale, c’est vrai que j’avais très peur, il y avait un poste qui s’était libéré avant, mais je n’avais vraiment pas eu le courage d’y aller. Quand il y a eu un poste au V... je me suis dit qu’il était temps. »

L’unité avait un statut à part : « On était très enviée... on était privilégiée, mais bon, on ne voulait pas de notre privilège car c’était aussi bosser seule, avoir des gamines comme L. »

Au moment où l’entretien est réalisé deux années se sont écoulées depuis son départ de l’internat. Cependant, le discours est plein d’affects, affluant d’images et de sensations corporelles. Le défaut de représentation de l’autisme infantile renvoie à des vécus de vide, d’isolement, d’indifférenciation, de collage.

‘« Tu étais larguée, tu étais face à la pathologie des enfants, face à ce que ça pouvait te renvoyer à toi et puis tu n’avais rien. »’