5.4.3. Aspects des contre-attitudes institutionnelles

L’histoire de cette institution est étroitement liée à celle de l’hôpital psychiatrique. L’ancien hôpital « mère » constitue les strates de la préhistoire du nouveau service. Etablissement novateur en son temps, il est porteur des expériences, des espoirs, des mythes de toute une génération de soignants. C’est le lieu où nombre de soignants ont « grandi ». Protégés symboliquement par l’institution avec un grand I, les équipes soignantes se sont identifiées très fortement à sa culture. Le dispositif institutionnel, avec à sa tête, médecins et psychologues, a mis à la disposition de son personnel son savoir théorique, le partage des affects et leur élaboration. Allier travail de terrain avec élaboration clinique et théorique est très stimulant. De plus, les conditions de démarrage de l’institution mettent tous les membres de l’équipe sur un plan d’égalité, procurant ce que D. Anzieu nomme un sentiment d’illusion groupale. Le souvenir qui demeure est celui d’une grande aventure. Dans ces conditions, la « mise à mort » de la grande institution est vécue comme un effondrement ; F. emploie le terme de « déliquescence ». Les changements inhérents à la modification de statut s’accompagnent de questionnements, d’inquiétudes voire d’angoisses, de fantasmes de morcellement. Les murs de l’hôpital « mère » n’assurent plus leur rôle protecteur symbolique et privent soignants et enfants de leurs repères habituels.

L’ouverture du nouvel hôpital de jour constitue un point de départ différent. Il s’agit de locaux plus petits, situés à la périphérie de la ville. La taille de l’équipe est proportionnée avec les locaux. Il s’agit aussi d’accueillir les enfants autistes qui se retrouvent eux aussi dispersés. Après un éprouvé groupal semble-t-il catastrophique, succède un éprouvé d’une institution en devenir. L’équipe, recomposée, permet à chacun de ses membres d’évoluer. Chaque soignant est porteur de son histoire personnelle, de l’histoire vécue à l’hôpital psychiatrique. Les différentes pratiques, qui semblent inscrites dans l’histoire de l’institution, sont renouvelées ici. F. travaille selon des modalités très thérapeutiques, A.M. mêle approche psychologique et méthode TEACCH. La parole circule entre les soignants. Les contre-attitudes sont évoquées et travaillées. Le dispositif a une certaine souplesse et des qualités de plasticité.

Les enfants autistes font l’objet de questions au sein de l’équipe : faut-il intégrer une classe dans le cadre de l’hôpital de jour pour ceux qui bénéficient rarement d’une intégration dans une école ordinaire ? La pathologie autistique ne produit pas une fermeture de la pensée, mais suscite des hypothèses sur le fonctionnement du psychisme des enfants autistes, des représentations quant à un modèle plus général de fonctionnement. L’image du « gant retourné » permet de figurer le fonctionnement global de l’institution. L’hôpital de jour fournit aux enfants un lieu protégé comprenant des liens avec l’extérieur. C’est aussi un espace suffisamment contenant, une toile de fond, comportant des espaces différenciés qui aident à la constitution d’une peau psychique qui leur font défaut. Même si accompagner ces enfants est parfois décourageant et laisse beaucoup de questions en suspens, l’activité de représentation et de symbolisation, la théorisation permet aux soignants de ne pas se laisser envahir par le vide, le non-sens et la contagion. Peut-être pouvons nous suggérer qu’il s’agit de prolonger ce qui a été connu dans le précédent hôpital. Dans ce sens, les échanges avec l’extérieur sont souples, le personnel a le désir de se former.