Ritualisation

L’apparition dans le discours des éducateurs d’une tendance à la ritualisation correspond surtout à la période d’utilisation de la méthode TEACCH. Le concept clé du programme TEACCH est celui d’un environnement individualisé structuré. « Ce qui est important, c’est de savoir si le jeune sait ce qu’il doit faire, quand il doit le faire, et ce qu’il va faire après. S’il n’a pas ces réponses, il faut l’aider. »

Le concept s’applique aux moyens de communication comme le langage, aux émotions mais aussi à la vie quotidienne.

Le langage s’appuie sur un support visuel.

‘« La différence, c’est le fait qu’on parlait beaucoup et qu’ils n’y pigeaient que dalle et le fait qu’on leur dit peu de choses... Par exemple, si on dit « va chercher un pot » le jeune part et revient sans rien. Par contre, si on lui montre le pot, il le ramène. Avant on disait qu’il n’avait pas envie. A chaque fois qu’il y a des attitudes de jeunes, on essaie de comprendre ce que le jeune essaie d’exprimer et on lui donne des outils pour comprendre : aides visuelles, gestuelles et mots simples, beaucoup de cartes, d’objets. Ce sont des aides indispensables, car verbalement c’est trop. »’

Dire « qu’ils n’y comprennent rien » c’est supposer que l’enfant autiste est comme un individu placé au milieu d’une culture dont il ignore le langage. Lui parler en termes d’affects, d’émotions, de désirs, d’intentions, c’est proférer devant lui des mots incompréhensibles, créant de toute pièce une situation anxiogène et de ce fait, déclenchant des symptômes comme des troubles du comportement ou l’automutilation. Parler de façon simple et avec un support visuel c’est tenter de parler sa langue, et entrer en contact avec lui, en limitant les débordements les plus gênants. Il est important de maintenir une homogénéité entre les différents interlocuteurs de l’enfant de manière à ne pas introduire entre eux une différence de potentiel qui pourrait être source de décharges dangereuses pour l’enfant.

Les troubles du comportement sont compris dans ce que U. Frith nomme le défaut de théorie de l’esprit. L’enfant autiste vit dans un monde qui se limite au niveau le plus bas de la perception des faits, il ne tient pas compte du contexte, il ne parvient pas à donner sens aux événements abstraits et aux jeux sociaux qui surviennent dans son environnement.

‘« On considère que les jeunes ne peuvent pas faire, plutôt que ne veulent pas faire. On fait beaucoup d’apprentissages à tous les niveaux (socialisation, autonomie des besoins, outils simples). La vision que l’on a, à présent des troubles du comportement est la suivante : on s’est rendu compte qu’un jeune qui a des troubles du comportement, c’est le seul moyen de faire comprendre quelque chose, c’est une forme de « toute puissance ». (Un autre éducateur dit : ça me gêne toute puissance). J. reprend : ils font des crises épouvantables pour faire céder, ils sont complètement paumés . Avant on pensait souffrance, il fallait absolument qu’on comprenne, maintenant on dit : ils veulent dire quelque chose. » ’

Avant, la crise correspondait à un état de détresse psychique intense, aujourd’hui c’est une demande mal formulée. Le paradoxe est que c’est maintenant qu’ils veulent dire quelque chose.

La recherche des sensations est perçue différemment.

‘« Il y a aussi cette attirance pour les moments d’émotion, c’est un plaisir très important : quand ils se font disputer. Ils vont rechercher ces moments. Si on pense maladie mentale, on dira qu’il est pervers. Mais c’est pareil pour deux personnes qui s’embrassent, un accident de voiture. Il y a une excitation. C’est une mauvaise compréhension des situations sociales. »’

Les conduites émotionnelles sont la plupart du temps inadéquates et arrivent le plus souvent dans les moments informels. Pour cette raison, les journées sont structurées :

‘« Il faut structurer leurs journées, leur vie avec des activités compréhensibles par eux, des activités répétitives, mais aussi des activités différentes : courses, randonnées, piscine. Tous les matins c’est régulier, les activités sont individualisées avec un coin travail pour chaque enfant. Les jeunes peuvent se reposer. Ou alors, il y a une organisation pour des temps informels, si possible. Avec les cartes, ils savent ce qu’ils font. Pour une jeune, la présentation de la carte porte monnaie a calmé l’agitation et a permis de changer de magasin. »’