5.7.3. Aspects des contre-attitudes institutionnelles

Le dispositif de la classe d’intégration spécialisée de Mme S. est un cas particulier dans notre recherche. C’est la conjonction de deux faits essentiels : la rencontre d’une fillette très malade et d’une institutrice sensibilisée personnellement par les conditions d’enfermement d’enfants « fous » dans un service de psychiatrie. L’orientation donnée par Mme S. à la classe prend son point de départ dans ce nouage. L’organisation de la classe est déterminée par quatre faits :

• Des enfants psychotiques et autistes sont accueillis en classe vingt six heures par semaine.
• L’intégration de la classe dans un groupe scolaire est une façon de lutter contre la ségrégation. Les enfants partagent les mêmes récréations que les autres élèves, déjeunent à la cantine et sont inscrits dans le programme culturel (voyages, festivals).
• L’enfant, quelque que soit ses troubles psychologiques, est considéré comme un élève. Il est inclus dans un projet pédagogique. Il a de petites responsabilités au sein de la classe. L’emploi du temps comprend les matières classiques : mathématiques, lecture, écriture.
• Le cadre est soigneusement pensé : la classe est le domaine réservé des enfants. Le seuil de la porte délimite l’intérieur et l’extérieur. Les parents ne peuvent le franchir, les enfants font l’expérience des aspects intérieur et extérieur lorsqu’ils sont quelques minutes à la porte.

La tonalité affective de la classe est très vivante. L’approche pédagogique a un aspect maternel : elle est sensible et douce rendant ainsi la matière scolaire attractive ; et un aspect paternel : elle est ferme par la permanence des règles et des limites imposées. Madame S. se dit « intraitable sur le comportement ». En même temps elle sent très bien les états psychiques des enfants, leurs angoisses, leurs peurs, « l’instituteur c’est quelqu’un qui institue l’humanité ».

Sa position d’institutrice est constamment questionnée : « souvent je cherche mon point de référence pour ne pas basculer. » Le discours de Mme S. montre que la transformation des projections est constamment au travail. Les sentiments de haine sont acceptés. Ils ont fait l’objet d’un long travail.

Mme S. est très consciente qu’au contact des enfants autistes le temps peut se figer, qu’elle pourrait ne plus être institutrice mais thérapeute. Le cadre est ce qui délimite son travail, mais nous pouvons dire que ce cadre est transcendé car l’atmosphère dans la classe est très vivante.

Mme S. s’interroge beaucoup, elle cherche aides et réponses auprès des thérapeutes des enfants, au sein de groupes de lecture, lors de conférences. La théorie l’intéresse, mais seulement dans la mesure où elle est reliée à ce qu’elle vit dans la réalité de la classe. Elle est très attentive à faire entrer « le tiers » comme elle dit : « J’accepte de recevoir les gens et de remettre en cause mon travail, c’est comme ça que je pense que je peux avancer par rapport à ces enfants qui auraient une tendance à nous bétonner et à nous coincer dans une pratique ... tout le temps ça été ma préoccupation principale dès lors que j’ai fonctionné avec eux. »