6.2. L’institution de type «bidimensionnelle »

L’intitulé de ce type d’institution fait référence au mécanisme de défense des enfants autistes appelé « démantèlement ». Le corps est le lieu d’une grande souffrance, une psyché qui n’a pas encore les moyens de se représenter l’excitation, donc de donner le recul nécessaire à l’événement, pour qu’il puisse être intégré. Plus rien ne le soutient, plus rien ne le maintient, il plonge dans un abîme sans fond. En l’absence de cette peau psychique, de ce sac contenant les pensées, de cet appareil qui permet de les lier entre elles, ce sont les sensations brutes qui dominent. La parole subit le même sort : elle est soumise à la concrétude. De la même manière que l’autiste investit une ou des sensations corporelles pour éviter l’angoisse insupportable de séparation primaire d’avec sa mère, la sensorialité des membres de l’institution est au premier plan et les affects occupent la scène groupale. Les vécus générés par la présence des enfants autistes atteignent les personnes de façon brute et intense. L’espace de l’institution est flou, la différenciation entre soignants et soignés est mal délimitée. Le caractère adhésif de ce fonctionnement des enfants autistes est un mode de relation utilisé fréquemment.

Ce mode de fonctionnement conduit à l’isolement. L’accumulation croissante des éprouvés et la montée de l’angoisse ne sont pas des positions favorables. Il arrive fréquemment d’observer des atteintes physiques réelles, telles que des douleurs, des maladies ou des accidents. Ces phénomènes sont des manifestations de l’angoisse non mentalisée qui s’expriment par l’intermédiaire du corps. Dans ce type de fonctionnement institutionnel, il y a très peu d’éléments théoriques pour étayer les vécus. Une voie d’évolution est la recherche par les équipes de solutions pour sortir de cette situation chaotique.

J’ai longuement décrit ce phénomène dans le premier cas institutionnel. Un cas en de nombreux points similaire à celui là est rapporté par S. Urwand à partir des données de l’analyse institutionnelle qu’elle effectue dans un hôpital de jour. Elle écrit :

‘« Les mécanismes autistiques sont à l’œuvre et sont doublés des phénomènes groupaux en lien avec les anxiétés primaires, où le corps est convoqué dans toute sa sensorialité et sa sensualité. Dans ce vécu en identification adhésive pathologique, en bidimensionalité, l’organisation des enveloppes tant individuelles que groupales est altérée ; des relations en surface et en dépression primaire la rêverie ne peut émerger sans espace interne, sans contour, sans limite, et fait apparaître l’objet comme impénétrable à l’identification projective. Se coller, s’agripper les uns aux autres, sont les comportements d’évitement de la menace inhérente à chaque expérience de séparation, d’individuation, de changement, de différenciation ; tout écart, toute distance sont supprimés, l’indifférenciation règne en maître, tous éléments confondus, l’un est l’autre, l’un est le prolongement de l’autre. »256

Plus loin, elle continue :

‘« Par ailleurs ce service apparaissait comme « très froid » [...] semblait être un lieu de passage entre deux autres unités, dans le prolongement l’une de l’autre sans pouvoir le contourner ; il était traversé comme un miroir. »257

L’intérêt du travail de supervision est de noter les changements. En effet, le temps a passé et les enfants ont changé :

‘« Nouvelle configuration, nouvelle ambiance : les portes se ferment, les passants ne passent plus, les clivages s’organisent puisqu’il y a maintenant un espace aménagé, avec un dedans et un dehors. »258
Notes
256.

URWAND S., « La rêverie institutionnelle », p. 45. (136)

257.

Ibidem, p. 46. (136)

258.

Ibidem, p. 47. (136)