6.4. L’institution de type « île »

Ce processus que j’appelle de type « île » est bien décrit par C. et P. Geismann qui le nomment processus d’asilisation. Il a pour caractéristique principale de remettre sans cesse en question la capacité de l’institution à être thérapeutique. L’institution est progressivement gagnée par l’isolement caractéristique de l’autisme et coupe tout ou partie de ses relations avec l’extérieur et éventuellement avec les autres structures avoisinantes s’il en existe. Cette position défensive peut être entendue comme la mise en acte de se protéger d’un monde extérieur hostile. Le temps semble figé et progressivement le sens de la réalité se perd : pourquoi est-on là ? qui sont les malades et qui sont les soignants ? Dans cette configuration tous les soignants, y compris le psychiatre, le psychologue, le surveillant sont situés sur le même plan hiérarchique perdant de la sorte leur spécificité. Dans un tel climat on peut rencontrer des duos narcissiques (M. Woodbury) : un soignant et un enfant vivent une relation à deux exclusive utilisant un langage privé qu’eux seuls comprennent.

Le mot d’ordre semble être : ne rien entreprendre qui puisse compromettre le statu quo sur lequel on vit. Je cite J.P. Vidal :

‘« Tout semble se passer comme s’il fallait éviter de se donner le savoir pour en sortir, autrement dit, d’y voir plus clair, d’être plus efficace, comme s’il fallait, y compris contre son propre intérêt, perpétuer une ignorance, une méconnaissance et ses conséquences. »259

Tout ce qui arrive est allégué au dehors. Cette fatalité réduit à l’impuissance, et il n’y a guère d’autres choix que de se résigner. Il ne reste qu’à s’en désintéresser, qu’à attendre que cela passe. L’intérêt pour une théorie est absente car elle paraît sans importance.

‘« Ce refus d’entreprendre et de comprendre se manifestera par exemple dans la dévalorisation ou la disqualification a priori de tout travail analytique, le rejet de tout recours propre à substituer une parole à une violence subie ou exercée, une rencontre et un échange à un isolement stérile ou à un égarement. »260

Le fonctionnement en « île » évoque la dure réalité de l’asile avec sa juxtaposition de pavillons sans liens entre eux et sans communication. C’est pourtant ce qui menace les institutions engagées dans ce type de fonctionnement.

Trois institutions dans ma recherche correspondent à cette catégorie. Il s’agit des institutions 5.2, 5.5 et 5.6.

Notes
259.

VIDAL J.P., Institution et position thérapeutique négative, p. 12. (139)

260.

Ibidem, p. 12. (139)