6.5. L’institution de type « sein-toilettes »

L’institution peut créer en quelque sorte ce que Meltzer appelle

‘« [...] un sein-toilettes dont la fonction anale d’expulsion est au premier plan et constitue la représentation la plus primitive de la mère comme objet partiel. »261

Dans ce cas la pathologie autistique n’est pas pensable et il est vital d’éjecter cet objet « irreprésentable ». Il est alors nécessaire d’avoir un objet extérieur à l’institution qui puisse contenir ce que font vivre les gigantesques barrières défensives mises en place par les enfants autistes. L’objet impensable peut être extérieur mais il arrive aussi que ce soit une partie de l’institution qui soit mise au rebut. Cette partie inexistante de l’institution a une fonction de dépôt. R. Roussillon l’a décrit ainsi :

‘« [...] ce qui est dit ou fait dans l’interstice est mis en réserve, déposé, afin d’être conservé, gelé ou immobilisé. Suivant le taux d’angoisse, l’interstice est alors le lieu du secret ou de l’enkystement. »262

L’éloignement et même le déni permet au reste de l’institution de fonctionner en projetant sur ce groupe tous les mauvais objets.

Ce genre de groupe est extrêmement déprimant pour le personnel qui se voit nié dans sa fonction de soins ou d’éducation et réduit au rôle de traiter les mauvais objets. Je suppose que cela conduit aussi à prendre des mesures très défensives pour ne pas penser. L’activisme, les tâches secondaires, la recherche d’un leader ou d’une méthode fétiche sont autant de solutions envisageables.

Nous avons vu le cas d’une institution qui avait mis au rebut le groupe recevant les enfants autistes.

J’ai étudié dans un précédent travail (DEA) un « débarras » (selon le terme de R. Roussillon) particulier, le dispositif d’accueil dans un hôpital de jour spécialisé dans le suivi des enfants psychotiques . Les membres de l’équipe thérapeutique, lorsqu’ils étaient confrontés à des situations de crise, ressentaient le besoin d’amener l’enfant dans un lieu prévu à cet effet. L’accueil était le lieu dans lequel se déposaient des éléments non mentalisés générés par les troubles psychotiques de l’enfant, que la personne chargée des soins ne pouvait pas gérer. La plupart des questions consignées dans les cahiers sont restées sans réponse car celles-ci n’ont presque jamais pu être le support de réflexion et d’élaboration. L’accueil n’a jamais accédé à une reconnaissance institutionnelle et a disparu. Sa vocation, même si on a essayé de lui trouver d’autres fonctions, était sans doute de rester secrète permettant au reste de l’institution de fonctionner.

Notes
261.

Fantasme et formation, op. cit., p. 20. (90)

262.

ROUSSILLON R., Espaces et pratiques institutionnelles. Le débarras et l’interstice, p. 168. (123)