Annexe D : Les Interviews

INTERVIEW N° 1
F., éducatrice spécialisée, Hôpital de Jour (mi-temps)

Choses écrites sur un groupe d'expression que j'ai écrit l'année dernière avec deux enfants psychotiques, un enfant autiste et le quatrième, quel est celui que je fais passer à la trappe? deux enfants autistes et deux enfants psychotiques. Dans le cadre de la restructuration de l'hôpital, j'ai repris un travail dans un nouveau cadre avec de nouvelles personnes, un nouveau médecin et un travail avec des gosses autistes. Il faut dire que pendant des années j'en ai peu vus. Alors que j'ai commencé à travailler (éducatrice spécialisée) il y a à peu près vingt ans, tu vois avec des enfants autistes. J'ai fais pas mal de choses et les enfants autistes il y a eu une grande période où je ne les ai pas vus, je n'ai plus travaillé avec eux si ce n'est que les dernières années que j'ai faites à C..., je voyais une fois tous les quinze jours un enfant autiste dans un groupe d'enfants qui présentaient plutôt des psychoses et des dysharmonies psychotiques mais je me suis rendue compte que c'était assez difficile pour tout le monde parce que ce gosse était un peu parachuté, pour le coup la continuité était vraiment peu suffisante. C'était tellement morcelé dans le temps, les repères étaient fragiles et l'intégration dans le groupe était difficile. Vraiment il faisait encore un peu plus martien, que déjà pour les autres c'était ce qui se passait, ce gamin il arrivait d'une autre planète. Alors là il essayait de retrouver des repères en mettant les chaises dans un certain ordre, tu vois au niveau spatial, ce qui angoissait les autres qui ne pouvaient pas bouger ou alors il déclenchait une crise d'angoisse. Il prenait des repères, c'est un gamin qui dessinait, peignait très très bien, donc qui laissait des dessins dans la pièce notamment qui représentaient des escaliers, ce qui laissait les autres pantois parce qu'ils n'arrivaient pas à le faire. Y' a eu une fois une séance à laquelle il a participé mais tout le reste du temps il était vraiment (soupir) à la périphérie dans une recherche de repères, et puis comme un oiseau sur la branche, n'arrivant pas à se poser. Donc moi j'ai gardé de cette expérience quand même une impression mitigée, alors c'est vrai qu'il avait été dans ce groupe avec l'esprit de décloisonnement de rencontre avec d'autres enfants, c'est ce qui avait présidé à sa venue mais une fois tous les 15 jours, l'accrochage avec lui sur un plan relationnel, pour moi sur un plan contre transférentiel c'était très difficile. C'était trop haché, trop éloigné, pour le coup pour la capacité de le porter de le rêver, c'était très ténu. L'impression d'une discontinuité qui entrave l'investissement et qui ne permet pas de retenir justement l'image de l'enfant et de maintenir une expérience relationnelle qui prenne du sens au fur et à mesure. Quelque chose que je ne souhaiterais pas reproduire. C'est vrai qu'avec d'autres personnes qui le voyaient on faisait quelques liens de temps en temps mais là aussi c'était un petit peu difficile car les autres enfants prenaient le devant de la scène et dans la préoccupation psychique que je pouvais avoir de cet enfant, elle m'a semblé trop légère, trop floue, trop problématique.

Comment tu vois les enfants autistes par rapport aux autres?

Pour le coup, il était dans son monde. Pas tant que ça dans la mesure où il exprimait une inquiétude dans ce contexte, comme l'oiseau sur la branche, je ne peux pas mieux le définir. Mais c'est un enfant qui n'arrivait pas à établir une relation, bon, qui sur le plan aussi de la présence même physique et corporelle était, enfin on arrivait pas à le saisir et une motricité, un rapport aux choses, à l'espace tout à fait particulier. On avait l'impression des fois qu'il volait dans la pièce comme si il essayait de ne pas avoir le contact avec les choses et avec les autres. Si ce n'est par rapport aux objets à figer quelque chose à se maintenir dans quelque chose d'immuable qui ne bouge pas surtout, c'est comme ça qu'il arrivait à endiguer son angoisse et dès que les autres démolissaient cette ordonnance il se mettait à piquer des crises d'angoisse. (je lui fais remarquer qu'il y a un seul enfant autiste).

Quand on a changé de lieu, qu'on est venu à la Motte, ce qui c'est passé c'est qu'un certain nombre d'enfants de ce secteur qui sont passés dans le deuxième intersecteur, et donc on s'est accompagné mutuellement et la règle ça été pour prévenir les angoisses de séparation, d'observer une certaine continuité, et il a été demandé aux gens qui connaissaient ces enfants de continuer à les suivre. Il y en avait deux que je suivais qui étaient dans le groupe (psychotiques) et deux enfants autistes que je ne suivais pas à C.... Mais ils me voyaient dans la cour.deux enfants autistes sans langage alors que les autres ont un langage. Là aussi cette année je les ai pris dans un groupe d'expression donc je l'ai présenté au médecin qui ne savait pas trop ce qu'était un groupe d'expression. Le terme d'expression qui est un terme général justement il a le mérite de laisser une grande liberté aux moyens choisis, une souplesse quant aux objectifs tout en mettant l'accent sur la nécessaire mise en forme pulsionnelle et pour moi c'est un travail qui a vocation à favoriser la constitution d'un espace interne, à permettre à des représentations à se mettre en place, et à développer la capacité de symboliser, de mentaliser et de produire du sens. La médiation principale c'est le jeu qui va du jet de l'objet, (Fédida, l'Absence, notamment le chapitre sur le jeu), au jeu verbal en passant par la mise en scène du corps ainsi que par la mise en scène de matériel figuratif. Il me semble que ça crée un espace de subjectivité, d'intersubjectivité dans un échange entre soi et moi, soi et l'autre, dans l'ici et maintenant, espace de figuration, de transformation entre le monde interne et la réalité, la confrontation avec les règles materielles. Un peu ce que je définirais comme une aire transitionnelle, il me semble que le travail en groupe peut bien se définir comme ça avec un groupe contenant qui est une surface de projection, un creuset, un support d'identification, un lieu de partage d'émotions, qui est investi énormément sur le plan libidinal, c'est aussi un lieu de relation, de socialisation, de mise en relation et il me semble être un prototype des autres groupes dont l'enfant fait partie (la famille, la fratrie, l'école, l'institution) et puis au delà si on pense à Kaës c'est peut-être la scène sur laquelle jouent les différentes instances de la personnalité. Alors il y a le ou les soignants, un lieu, un temps terminé sont au service de la fonction pare excitation, de la fonction contenante, détoxiquante, qui privilégie une continuité d'expérience dont moi j'énonce la règle telle que la formule G. Haag :"on est ici pour comprendre les choses difficiles qui font peur, on peut raconter avec les objets et on a pas le droit de se faire mal". Et pour conclure, je m'inspirais d'une métaphore de Hochmann qui dit que ce travail de soin aurait à voir avec la création d'un conte.

Groupe que j'ai mené toute seule et qui a été une bonne transition pour ces gosses qui arrivaient dans un milieu nouveau, qui a permis aux enfants psychotiques d'aborder un groupe au niveau supérieur et je pense à se préparer à un travail groupal pour les enfants autistes parce que ces deux enfants dont il est question ils avaient été dans des groupes à C... mais assez brièvement et qui n'en étaient plus tellement, parce que c'était la fin et une certaine déliquescence, bon il y avait déjà des enfants qui étaient partis. Ces deux enfants (autistes) je les ai retrouvés cette année. C'est un groupe qui a lieu deux fois par semaine, un groupe d'expression à géométrie variable dans le sens où une fois avec une collègue on reçoit quatre enfants, là aussi on peut parler de trois enfants autistes dont un est en train d'accéder au langage, et une petite fille qui présente plutôt une psychose symbiotique et qui est en même temps une grosse épileptique et puis la deuxième fois dans la semaine il accueille cinq enfants, avec une troisième soignante. Sachant que je vois deux de ces enfants individuellement dans un, ça c'est quelque chose qui pose un petit peu problème mais je le prends plutôt... on savait pas quoi faire de ces gosses et je les ai accueillis et la consigne était de leur faire faire des choses relatives au pré-apprentissage et chose qui me pose problème, on peut en parler. Moi je me rends compte que c'est plus un temps pour un enfant de transition parce qu'il arrive et doit ensuite rejoindre un groupe où il fait de la graphomotricité. Pour lui c'est un temps de transition, c'est le début de la semaine et il arrive assez en retard, la maman l'amène et il y a tout un rituel, donc que ça le prépare à entrer dans le groupe et à commencer sa semaine et à se séparer de sa mère. Et pour la fillette que je vois après, je vois plutôt ça comme une rencontre où... individuelle ... où ça a pris un aspect de confrontation ludique, c'est une gosse qui c'est énormément ouverte, qui s'est enfin sur le plan intellectuel qui est pas mal déficitaire mais si tu veux la relation a pris beaucoup d'importance pour elle, ça prend un caractère joueur où elle s'oppose et en même temps c'est assez stimulant, même la confrontation (rires), j'ai quelques exigences et elle joue beaucoup avec ça. Je vois ces enfants là dans un groupe "terre et peinture" qu'on pourrait appeler créativité.

Institution embarrassée par l'arrivée de ces enfants autistes?

Quelques problèmes mais pas que d'eux. On a eu des angoisses liées au fait de laisser les murs de l'hôpital, quand même bien sécurisant, on a eu des fantasmes comme quoi tout allait se briser, bon, qu'on allait pas assez être contenant, et ça se passe pas mal. Pour ces enfants s'est posée récemment la question du cadre dans lequel on mettait ces enfants, du cadre matériel aussi. On fait le groupe dans une salle de jour qui est la salle de tout le monde, en plus ouverte de tous les côtés, il y a des baies vitrées qui s'ouvrent et tu as deux portes. D'ailleurs, au début, la première année que j'ai eu ce groupe, en plus sachant qu'une porte a été rapidement cassée, qui était vraiment sortie de ces gonds donc elle n'existait plus, ouf, j'ai eu vraiment affaire à un vidage, le groupe se répandait, coulait dehors en plus toutes ces angoisses chez les enfants et chez nous mêmes, de ne pas arriver à contenir et ça rencontrait bien sûr l'histoire du cadre matériel. On peut se poser la question de pourquoi ces enfants on les a mis justement dans cette pièce là, c'est vrai que c'était la plus grande et qu'ils ont besoin d'espace, en attendant, ça crée une certaine qualité, maintenant ils sont un peu moins interpellés par le dehors alors je pense qu'ils ont intériorisé une fonction contenante, il y a quand même une constitution d'espace interne qui s'est créée pendant ces deux années. Mais s'il y a la tempête au dehors on voit bien pour certains ça peut être dedans aussi, on voit de l'agitation dans le groupe et c'est un peu d'orage qui rentre dedans, ça c'est des choses qu'on met en mots il faut bien travailler avec. Il y a aussi cette difficulté quand on commence le groupe à faire sortir les autres et faire rentrer ceux du groupe. On a en ce moment un petit garçon qui n'arrête pas de sortir mais je crois que ça pose le problème de son inscription individuelle dans le groupe, des mouvements qu'il y a de notre propre négociation dans l'équipe face au devenir de ces enfants, au fait que se pose la question de l'après, qu'il y des questions d'orientation, de passage, que peut être la question du tiers se pose. On est que des femmes dans ce groupe, on joue à la fois le rôle masculin et féminin mais ces enfants pourraient avoir accès à des activités avec des hommes. On a du mal à les intégrer dans ce cadre là, on a des questions à se poser, on est toujours guetté par le même, le faire pareil, par exemple le groupe où l'on se retrouve à trois soignantes on s'était dit que ça faisait un peu beaucoup, on va mettre une des trois, à tour de rôle en position d'observateur et de preneur de notes en ayant à l'idée que c'était quelqu'un qui pouvait restituer au groupe ce qui c'était passé, qui était la mémoire du groupe, chose qu'on a eu des difficultés à maintenir, on s'est posé des questions à ce sujet, en se disant cette troisième personne est en position de tiers, est-ce que c'est pas aussi ce qui venait un peu troubler notre fonctionnement en couple thérapeutique? on s'était bien dit qu'on tournerait mais la collègue qui se rajoute, enfin qui se rajoute c'est bien.. normalement elle se rajoute pas mais fait bien partie intégrante du groupe, mais elle a toujours le sentiment d'être en plus, d'être une pièce rapportée et elle disait encore récemment que le fait de ne pas participer le lundi au groupe auquel des enfants du groupe du jeudi participent, elle avait du mal à accrocher, à s'inscrire dans une continuité, à faire des liens mais je pense qu'il y a d'autres explications. En plus, on s'était dit qu'elle pourrait être un lieu de dépôt pour les enfants, elle pouvait être rassurante par sa neutralité puisque les autres on joue. Au début, on a vu des enfants qui allaient se réfugier sous la chaise sur laquelle elle était. Par compte on a eu beaucoup de mal à restituer les grands traits de la séance. Les collègues ont été très surprises par les interactions qu'il y avait dans le groupe, elles pensaient que ça serait extrêmement ennuyeux de se retrouver pendant une heure et demie avec des enfants sans langage et celle qui prenait les notes trouvait ça épuisant parce qu'il y avait des tas de choses et qu'à la sortie elle n'arrivait pas à faire des liens avec tout ce qui se passait, ce qui maintenant se fait plus facilement. Mais c'est vrai qu'on a toujours un peu de mal à le restituer ou alors ça se fait plus en cours de route.

A quoi renvoient ces enfants autistes, personnellement? qu'est-ce qu'ils font émerger, sentir?

En y pensant hier, si tu veux j'ai eu une image, je ne sais pas ce qu'on peut en penser, moi souvent il me vient à l'esprit, du moins dans les débuts du contact que l'on a avec ces enfants et dans les débuts de leur évolution, parce que j'ai aussi pointé toute une série de questions: comment rentrer en contact? comment communiquer? comment se différencier? comment permettre l'expression et la mise en forme des émotions pour éviter les actings? comment susciter les interactions? favoriser la rencontre avec l'environnement et la réalité et rendre possible une progression, tout l'espoir qu'on a d'un accès au symbolisme et au langage et rendre ces enfants là sujet d'une histoire. C'est vrai que cette rencontre est tout à fait particulière et singulière et qui, bon, convoque les parties archaïques de soi et dans un premier temps c'est quand même assez difficile, et moi j'ai cette image d'un "gant retourné", l'impression... et alors je me suis dit que c'était Freud qui en avait parlé à propos de la féminité, je sais pas pourquoi, ce continent obscur qui était pour lui la féminité, chose chez FREUD qui m'ai...mais bon. Par exemple le gant à l'endroit figurait à l'extérieur la partie visible et socialisée du moi avec une peau externe bien délimitée, souple qui favoriserait les contacts à l'aide d'une doublure, ça pourrait être une sorte de filtre, une interface tandis que l'espace intérieur représenterait le monde interne bien circonscrit et communiquant de façon à doser avec son extérieur en l'occurrence avec le moi. L'enfant autiste moi je le perçois comme un gant retourné c'est à dire qu'il projette son espace interne directement à l'extérieur sans filtre sans barrière et où il se colle, il s'agrippe aux surfaces externes et même dans un premier temps, en exerçant une pression de telle façon à les déformer, à les anéantir, à les vider de leur substance interne et sans que cette opération soit destinée à s'incorporer leurs qualités mais plutôt à les pulvériser, à les annihiler, quand même quelque chose qui a à voir aussi peut être aux poulpes, quelque chose de tentaculaire.

Tu l'as ressenti?

Ouais, ouais!

Tu te souviens de tes débuts?

Différence entre les débuts, quand j'ai connu les enfants autistes je me suis énormément défendue, dans un sens j'ai moins senti ça. Ce sont des choses que j'ai ressenties plus tard, moi même je me suis plus mise à la portée de ces enfants et j'ai plus tenu compte de mes émotions, de mon ressenti, de mon éprouvé, alors que les premières années je me suis vraiment défendue de ce ressenti parce qu'il était extrêmement menaçant et toute la question c'était de tenir, d'ailleurs on bouclait les pièces, on s'enfermait dedans, ce qui choquait beaucoup de personnes mais moi je voyais pas d'autres façons de faire. Pour être contenante il n'y avait que ça, beaucoup de gens dans l'institution critiquaient ça en disant que c'était de la contention, de l'aliénation, toutes ces représentations très dures, très agressives de l'hôpital psychiatrique. Moi je dois dire que ce n'est pas tellement quelque chose qui m'a posé problème parce que je voyais pas d'autres moyens de rencontrer ces enfants. Alors dedans c'était résister à l'éclatement, ça alors, c'était des gosses qui se projetaient sur les murs, s'automutilaient, c'était vraiment très dur. Moi toute mon énergie était concentrée sur le fait de résister en disant il en sortira bien quelque chose, sans ça moi je rétorquais aux gens qui disaient "vous les enfermez" oui qu'est-ce qu'on fait? on peut les laisser aller dans le pré, partir et ils brouteront l'herbe, ils poseront moins de problème mais on ne les rencontrera pas". Il y a eu pas mal d'affrontement surtout que c'était dans les années 70 c'était l'après 68, c'était un petit peu difficile mais moi avec peu d'expérience j'avais trouvé que cette façon là aussi de les rencontrer et du coup de les rendre un peu plus familiers qu'il y ait un terrain de rencontre et c'est vrai que peu à peu je trouvais des moyens et étant aussi beaucoup aidée par l'encadrement parce qu'on a été pas mal initié à la théorie kleinienne et de Malher et ça nous a donné pas mal d'outils pour contenir ces enfants et jouer autant que faire ce peut le rôle de pare excitation, ce qui a permis après des échanges et une reconnaissance mutuelle. un aspect intéressant, un côté un peu laboratoire, un peu en position d'observer ce qui se passait et de rapporter tout ça et là dessus on théorisait. La théorie nous a beaucoup aidé, on débutait pour beaucoup dans la profession, on avait une vingtaine d'années, donc c'était difficile de faire appel à ses propres ressources qui étaient je dirais assez faibles, la théorie était un étayage important. Après chacun a suivi son chemin et est allé à la rencontre d'autres théories qu'on ne trouvaient pas sur place. A un moment je me suis dit au fait pourquoi est-ce que ces enfants on les met en groupe puisque c'est si difficile pour eux? est-ce que c'est juste un point de vue économique ou une indication, un intérêt à les mettre en groupe? c'était pas très explicite dans l'institution même s'il me semble que c'est une des premières institutions qui a autant travaillé sur le groupal mais c'était pas théorisé. Je me suis posée la question quand je suis sortie des murs, quand je suis allée travailler dans le cadre de centre d'accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP) où j'ai rencontré d'autres enfants qui posaient des problèmes de dysharmonie, ou même de névrose et où là j'ai eu affaire au phénomène de groupe, où je retrouvais des choses que j'avais connues avec les enfants autistes. Peut-être j'étais trop avec dans les murs, j'avais pas la distance nécessaire pour poser cette question là mais chez les enfants que je voyais en CATTP c'était beaucoup plus flagrant qu'il se passait des choses à un niveau groupal qui me mettaient en difficulté et qui me faisaient dire "oh là je ne suis pas bonne" et puis j'avais l'impression de me planter comme des fois quand on veut protéger un enfant qui était bouc émissaire qui m'ont fait dire il faut que j'aille me former. J'ai entamé une formation à l'animation de groupe thérapeutique qui durait trois ans. Ce qui m'a beaucoup aidé à mettre en forme, car à la limite on faisait du groupe mais sans le savoir comme monsieur Jourdain avec sa prose et ça a permis de mieux comprendre ce qui se passait, d'être plus pointu et de mieux aider les enfants, même cette histoire de gant retourné est venu après, j'ai pu mettre des mots, d'abord accepter de ressentir des choses archaïques et de se coltiner avec.

C'est quoi ces choses archaïques?

C'est... ce qui est... (rires) assez indicible, qu'on a du mal a mettre en forme, des choses brutes, ces impressions d'être parfois vidée, aspirée par le groupe, que j'ai connu dans mon expérience personnelle de groupe, à la fois cette image de faire partie d'un corps avec une bouche dévorante, on est tous mêlés, indifférenciés, et dans la rencontre avec l'enfant autiste c'est souvent ça l'impression d'être anéanti, vidé, bouffé, sucé, comme si on allait se vider de sa matière d'être béant et du coup de laisser passer, de voir des choses qui ne sont pas élaborées, justement de ressentir des angoisses très fortes quoi de... d'être mordu, d'avoir envie de mordre, d'avoir aussi de... de bouffer l'autre, de se sentir objet d'une relation et même objet partiel, d'être en morceaux, et puis quand on va dans l'évolution des angoisses de séparation, je retrouve des choses comme ça, y' a des moments même où je vais être mal dans ma peau et je m'explique pas bien et puis jusqu'au moment où je réalise qu'il y a des aspects contre - transférentiels. C'est le cas en ce moment avec ce petit garçon qui n'arrête pas de partir du groupe et j'ai l'impression qu'il y a des affects très douloureux liés à la séparation, des choses que je peux ressentir et traduire somatiquement quoi. Il me faut un temps pour réaliser, j'ai un malaise, des troubles somatiques, je ne digère pas bien, j'ai mal au dos, j'ai des maux de tête, encore maintenant sachant que j'ai quand même une supervision (en groupe) peut-être que j'y trouve pas assez mon compte mais moi je me dis, j'ai déjà fait un travail personnel mais il faudrait que j'aille encore plus loin, j'ai le sentiment que des fois ça bloque parce que ça convoque chez moi des choses qui sont aussi difficiles, quoi à porter, des moments je bloque, peut-être que je me dis, j'accompagne pas jusqu'où il faudrait parce que moi-même je touche à une limite personnelle. C'est vrai que chaque instant, dans cette rencontre avec ces enfants, il faut se repositionner comme sujet tout le temps et ça demande l'intervention d'un tiers. Dès qu'on travaille avec ces enfants là il faut absolument un moment qu'on dégage un espace personnel pour soi avec un autre, ça me semble d'emblée même si on est pris, justement, encore à plus forte raison dans une relation un peu maternante avec un enfant. Il y a quand même ... cette pulvérisation chez l'enfant autiste au départ du sens, c'est vraiment, on dirait que, enfin, c'est tellement souffrant tout ça pour lui qu'il faut anéantir le sens et nous on est tout le temps en train de chercher du sens, et ça renvoie à des choses existentielles, la quête de nos vies, le sens. Et là bon on est vraiment aussi, il me semble des fois, dans un désespoir originaire avec ces gamins. Dans le même temps, cette histoire de gant retourné dans lequel on a l'impression d'avoir quelque chose de... je sais pas, ça me fait penser aussi, c'est horrible ce que je vais dire, au film "Alien" tout d'un coup il y a quelque chose qui sort et qui te saute dessus. Mais en même temps ça te met en relation avec les éprouvés de ces enfants là et ça me semble assez important. Je dirais que dans un sens, enfin, le mot éprouvé suggère un certain recensement, comment dire autrement? du moins avec ses substances internes, les anciens auraient parlé de fluide, d'humeur, quelque chose qui est très lié au corps, et c'est vrai que ça prend la forme littérale concrète de salive, d'excrément, voire de sang quand il y a automutilation. Quand on se réfère à la théorie est-ce qu'on est dans ce que E. Bick appelle l'identité adhésive, quelque chose comme ça, à partir finalement de quoi c'est un premier contact qui est répulsif mais c'est l'entrée en matière. Alors il me semble que pour travailler avec ces enfants il faut accepter que ses parties archaïques de soi soient convoquées, en capacité de les reconnaître et de faire le tri entre ce qui est projeté par l'enfant et ce qui est de nous. Justement là, il faut un travail à l'extérieur avec un tiers qui va aider à cette différenciation entre soi et l'autre et qui va créer des conditions d'un accès à l'altérité pour l'enfant et la constitution des objets internes et externes, il me semble que si on a pas ça, on se psychotise, on est dans le même, collé à l'autre et il faut être particulièrement vigilant et puis en mesure de recueillir tous ces affects bruts et de les renvoyer déchargés de leur... agressivité. Je pense à G. Haag, elle met merveilleusement les choses en mots, elle et S. Urwand qui travaille avec elle. C'est une femme de terrain, cette histoire d'objet d'arrière plan ça m'a énormément aidée car quand tu es regardée par un enfant, non tu n'es pas regardée, tu es traversée par le regard d'un enfant autiste, tu as l'impression de ne pas avoir de fond, il converge à l'infini. Quand on se réalise ça, on renvoie quelque chose, on devient aussi, on fait une toile de fond finalement pour l'enfant on est particulièrement attentif à être bien fermé de tous les côtés et à lui renvoyer quelque chose. Bon il y a aussi la notion de "holding" chez Winnicott, de "mère suffisamment bonne", il y a quelque chose qui m'a aidée, ce sont les observations de nourrissons et l'interaction entre la mère et l'enfant, ça je trouve que quand on travaille avec les enfants, c'est très précieux et ça permet de tous ces morceaux de la psyché des enfants autistes de les rassembler, de les contenir, de les lier pour obtenir un travail de représentations. C'est vrai qu'il faut aussi tolérer d'être perçu comme un morceau, un objet partiel, et c'est souvent qu'on entend dire "je ne suis pas un objet" ça revient très souvent.

C'est un travail sur la longueur, est-ce que c'est pas décourageant?

C'est sûr mais ce qui est intéressant c'est que c'est à la loupe, c'est tellement gros, c'est un travail qui est très riche d'enseignements. Ce qui est intéressant des fois... comment dire... c'est un travail de défricheur, de découvreur et à la limite la plus petite chose prend vraiment... le plus petit bout, et ça devient, ça a un côté fascinant, c'est ce que les gens découvrent, l'intérêt pour enregistrer toutes ces petites modifications, ces signes corporels, ces bruits, bon comme quand on a le nez dans l'herbe sur l'infiniment petit qui est aussi l'infiniment grand. Ces enfants nous apportent beaucoup sur un plan personnel et professionnel, c'est très riche de les rencontrer et c'est quelque chose qui donne une promotion dans le travail. Je ne peux pas dire que jusque là je ressente de l'ennui, bien sûr il y a des moments où l'on se dit "aah!" mais ça on le rencontre avec d'autres enfants mais bon, c'est vrai que des fois on en a marre de voir un enfant vivre dans sa bave, la bave de partout pendant des mois et des mois. Bon en même temps si on fait un travail d'après coup en étant très attentif on se rend compte que ça bouge, c'est vrai qu'il ne faut pas avoir des illusions démesurées, ça aussi j'ai fait un peu le deuil à un moment de certaines illusions qui étaient aussi à un moment des fois gênantes parce que les chutes étaient aussi violentes, enfin je sais pas, on partait un peu dans l'idée, c'était un peu la boutade "partez avec l'idée qu'ils peuvent tous devenir ingénieurs" alors d'un point de vue humain c'était chouette mais en même temps "ah dis donc à l'arrivée pouh! c'était dur!" bon maintenant je n'ai pas l'ambition de guérir des autistes, je l'ai eue, j'ai cru que ça pourrait se faire, maintenant je l'ai plus, ce n'est pas ce que je vise, je pense quand il peut y avoir au niveau structurel des changements, un gamin autiste peut évoluer vers une structure psychotique donc, il y a de quoi faire. Maintenant dire qu'il va être normalisé, ouf! totalement non, je pense qu'il est important qu'il réintègre le monde des humains, là aussi je fais un peu hurler, mais quand même a priori ils ne sont pas tout à fait dans l'ordre humain et ils se situent en deçà ou en dehors, je ne sais pas exactement, or on arrive à établir une communication. C'est vrai qu'il y a un gros travail au niveau de l'accès à la symbolisation et à comprendre, à saisir un langage qui se met en place à côté duquel on peut passer tout à fait à côté, là je pense à un enfant notamment où à force de regarder les choses de près, on s'est dit à un moment il y a un truc avec les couleurs, finalement on a fait l'hypothèse, c'est un enfant qui échangeait tout le temps des balles de couleur, on fait un travail très très fin on a repris séance par séance et essayer de voir comment il se comportait avec les objets et notamment comment il s'en séparait, et bon de quels objets il s'agissait, essayer de relier ces objets, est-ce qu'ils pouvaient avoir un statut d'objet transitionnel, manquant, objets autistiques et ça dans différents endroits où il était vu. Et puis on s'est aperçu qu'il y avait un accrochage à la couleur, un truc, il jouait avec des gobelets de couleurs différentes et pas... pas de façon hasardeuse, et puis jusqu'à ce qu'on fasse l'hypothèse qui paraît assez osée, je veux dire quand on en parle en réunion large c'est vrai que ça fait, des collègues qui des fois se marrent un peu, de façon sympathique et puis ils nous font réfléchir aussi, on s'est dit pour cet enfant le jaune représente la mère, le bleu / le vert le père et le rouge sans doute sa couleur, alors on a un peu déliré, moi par exemple je me suis dis qu'est-ce qu'un enfant voit quand il est dans le ventre de sa mère? on m'a dit "tu es complètement folle, rien du tout, c'est le noir le plus complet mais bon c'est bien c'est toi qui mets du sens à ce qu'il fait". Mais en lisant un livre pour enfant sur la gestation, où il y a des photos superbes, en fait l'enfant il voit bien quand la paroi abdominale est distendue, il y a des couleurs et notamment des couleurs orangées et ça m'a un peu confortée (rire), et puis en lisant G. Haag je me suis dit aussi je ne suis plus tout à fait dans le noir, dans le brouillard, il se passe des choses, c'est pas rien; ça a du sens, et ça les gamins le perçoivent et moi je me suis rendue compte qu'on accompagnait bien mieux l'enfant dans la mesure où on pouvait communiquer avec lui au travers de tout ce qu'il fait et donner du sens. La communication suppose un émetteur et un récepteur et on ne peut pas vraiment dans ces conditions, ça veut dire qu'il me semble qu'il faut déjà établir une communication de soi avec soi. Je me demande parfois si on ne représente pas pour l'enfant à l'extérieur ses objets internes et la relation, enfin, quitte à les conflictualiser, qu'il exporte en nous de ce conflit sur une autre scène, c'est justement le rôle du moi auxiliaire, des conflits entre des objets internes et donnant petit à petit des limites, un intérieur/un extérieur avec tous ses concepts d'identification projective, d'introjection...

Est-ce que dans l'institution il y a un climat conflictuel autour de ces enfants?

Des fois ça l'est. C'est assez... il y a des crises, on s'aperçoit après que ça correspond à un moment de crise pour l'enfant et tout d'un coup on se met à se disputer autour de lui. Alors, c'est parce qu'on va trouver que une telle est vraiment trop maternante avec l'enfant, et puis ce gosse on le limite pas, non seulement il fait pipi dans le bain et maintenant il fait pipi partout, alors la personne en question dit qu'elle est la seule à le comprendre et même elle se retrouve souvent dans la position aussi de l'enfant et puis bon ça se met à se bagarrer. Dans ces moments là on se prend un temps, on essaie justement de le prendre avec le psychologue ou le médecin et puis on remet les pendules à l'heure, on voit où on en est les uns et les autres, et qu'est-ce qui se pose pour l'enfant comme nouvelles exigences ou qu'est-ce qu'on ne supporte pas suivant dans quelle position on est, relation symbiotique qu'on ne supporte plus sachant bien qu'elle est indispensable pour l'enfant, bon et puis celle qui est dans cette relation là et qui se dit il y a quelque chose qui se passe... bon on a du mal à les lâcher... à l'heure actuelle il se pose d'autres projets pour des enfants du groupe et aussi des projets de quitter ce groupe là, c'est dur, entre autre, je suis arrivée à verbaliser que j'aimerais être là pour accueillir ses premiers mots, on se dit c'est là et peut-être c'est tellement là que j'empêche leur émergence. Au moment des repas je suis particulièrement attentive et "mère poule" et dernièrement j'ai dû dire à un collègue "écoute, viens manger avec nous" et ça se passe mieux avec l'enfant, sans ça il me fait courir dans toute la pièce, il faut que je le nourrisse à la becquée et c'est ce petit qui n'arrête pas de partir, je n'ai qu'une peur c'est qu'il franchisse le portail, ce qu'il a d'ailleurs déjà fait, qu'il se retrouve sur la route, ce qu'il a déjà fait, bon je le piste tout le temps... bon, je pense qu'il y a aussi quelque chose qui a à voir avec une préoccupation maternelle mais un petit peu étouffante.

Quand tu n'es pas là?

Justement, oui, ça se passe.

Tu penses à lui?

C'est un gamin auquel je pense énormément, qui me fait énormément travaillé, dont je peux rêver, j'ai des rêves qui me font penser à lui, à la limite il y a un travail du rêve qui me fait avancer dans le boulot, ça met au clair certains aspects contre transférentiels. Mais là, il faut avoir un tiers, des fois on ne peut pas s'en dégager et puis là aussi il y a les relations avec les parents dont j'ai peu parlé. Pour en finir avec le groupe, moi il me semble qu'avec ces enfants le groupe est intéressant à côté de prises en charge individuelles qui vont représenter un prototype de relation mère / enfant. Il me semble que d'emblée il faut prévoir des prises en charge groupales pour plusieurs raisons. Le groupe, c'est d'abord pour ces enfants de disposer d'espaces et de temps différents, des choses à différencier et qui figurent des relations topographiques, topologiques pour chercher au niveau du sens de ces mots, quelque chose qui représente peut-être les différentes instances de la personnalité, les espaces internes, externes, il faut que tout ça bouge, ça soit articulé. Il y a quand même l'aspect d'étayage qui est drôlement important parce que c'est vrai que dans le groupe on s'y perd, on s'y retrouve, on s'y constitue être social, il y a aussi tous les autres aspects des transferts latéraux qui sont très importants sur les autres enfants et qui dégagent peut-être de cette relation transférentielle qui est dans ses débuts plus une relation d'emprise dans le cadre d'une relation duelle. Là aussi on va rencontrer du même mais du même chez l'autre qui renvoie à soi mais aussi aux différences. Le groupe c'est aussi un tiers, c'est frustrant, c'est très dur pour les enfants, on leur faisait quand même une certaine violence mais c'est une frustration nécessaire qui augurait du manque, il faut bien s'y coltiner un moment pour advenir à une position de sujet et bon, ça demandait une capacité à se séparer et que bon, on les trouvait là dans l'ici et maintenant, une séparation d'avec une relation proche, fusionnelle. L'enfant il faut qu'il assume la chute de l'enfant idéal de la mère. Ma question est que le groupe peut être le lieu d'accueil de la position dépressive, il y a peut-être un paradoxe dans la mesure où le groupe favorise la régression. Mais peut-être que cette régression permet aussi un accès à la position dépressive et puis le groupe est dépositaire de la souffrance de ces membres mais du coup d'une histoire, d'une mémoire, c'est important parce que c'est aussi le creuset de l'identité. Souvent je l'assimile à la scène du rêve, on trouve aussi ces mécanismes de déplacement, de condensation, de substitution. C'est toujours passionnant de voir que l'histoire d'un groupe ne ressemble jamais à l'histoire d'un autre groupe, c'est toujours un nouveau voyage, il y a aussi un côté croisière. Toute cette question d'enveloppe, de peau commune, de rituels, le maintien de zones adhésives. Je sais qu'il y avait des institutions qui répugnaient à mettre ces enfants en groupe, il y avait un soignant pour un enfant qui l'accompagnait partout et puis l'enfant allait en thérapie mais on lui évitait à certains moments cette violence.

Les questions que je me pose actuellement c'est la position dépressive comment on l'aborde avec le risque d'installation de défense maniaque (G. Haag), comment on négocie ça, on a l'impression qu'il y a une auto-dévalorisation chez l'enfant et chez le soignant. C'est dur et il y a un risque de chuter dans la mélancolie. On se dit "on y arrive pas", cet enfant est triste et il pleure on se dit "on le rend malheureux et qu'est-ce qu'on fait là? finalement..." on a l'impression de lui faire violence, qu'il est à fleur de peau, qu'il ne supporte plus les bruits, l'intrusion des autres alors qu'on avait l'impression que c'était un passé. On se sent un peu tortionnaire et en même temps insuffisant, pas bien, bon, puis qu'est-ce qu'on en fait de ça? il y a une dépression et en même temps on s'aperçoit qu'il y a un remaniement de la relation d'objet, on a l'impression qu'on rencontre quelqu'un en détresse mais une personne totale et pas un morceau d'enfant et puis lui aussi a affaire à d'autres personnes de façon entière. Mais peut-être qu'on perd du côté de la relation avec un enfant, un bébé quoi. Dans ces moments là ça me fait penser à une relation avec les adolescents où on a l'impression qu'ils sont fragiles, que ce sont des êtres hybrides dont on ne sait pas quoi faire, comment les tenir, se situer par rapport à eux. Des fois le dispositif... j'ai lu un article d'un psychologue (A. Ferrant) qui disait que les centres de jour étaient bien faits pour les psychotiques mais assez peu pour les autistes et c'est vrai que le cadre pour moi il est invariant et dans la tête surtout, après il y a à voir avec le dispositif qui doit être souple, malléable, adaptatif, des qualités de plasticité. Or c'est vrai que dans un cadre où il y a d'autres enfants qui présentent d'autres problèmes on a un peu de mal à négocier ça. Là aussi il y a un aspect culpabilisateur, on se dit on va fermer la porte, ces derniers temps avec ce gosse qui part tout le temps, on est pas très content mais on ne voit pas comment faire autrement. Bon, il y a l'histoire du passage avec tout ce que ça suppose comme séparation, renoncement pour accéder à un refoulement originel. Et puis la question des médiateurs, en réponse à l'apprentissage pour les enfants autistes, je pense que ça n'est pas à l'ordre du jour dans un premier temps mais peut-être il faut plus s'axer sur des choses qui relèvent de la créativité, où là aussi c'est une aire transitionnelle où finalement on sollicite quand même le dedans et puis avec des aspects projectifs qui permettent de délimiter un espace physique, psychique donc sur la feuille on laisse sa trace, son empreinte, ils sont un peu peau symbolique avec des possibilités représentatives et puis je reconnais quelque chose de moi dans ces productions. Un échange transitionnel moi / non moi, peut - être dans un trouvé / créé et puis l'échange social je te donne tout ce qui peut servir de lien avec la famille, avec la réalité, un support concret. Alors ça c'est aussi à travailler.

La question où il y a un débat c'est celle de l'accès aux apprentissages. Alors là moi il me semble qu'il faut absolument différencier d'un conditionnement éducatif. C'est là que se poserait la question des parents, on a beaucoup de mal, en règle générale, à rencontrer les parents des enfants autistes. D'emblée c'est chaotique, ça se situe dans l'arrachement, la rivalité. Une maman qui soit ne va pas vraiment pouvoir jouer un rôle maternant, ce gosse il est vraiment trop étrange alors elle se transforme en super éducatrice; soit une maman qui fond en larmes, et puis si on lui dit qu'il fait ça elle dit "ah! bien sûr qu'il fait ça" et pour l'échange la distance nécessaire est difficile à trouver. Et la question se pose à propos des apprentissages "qu'est-ce qu'il va devenir cet enfant?" on est là aussi dans les équipes pris entre ceux qui disent "on est pas là pour ça" et ceux qui disent "il faut y penser, qu'ils soient aptes à vivre en société, il faut penser aux parents, il faut qu'ils sachent lacer leurs chaussures, il faut qu'ils fassent caca dans le pot". Là aussi cette confrontation, ce débat, des fois des engueulades, les uns trouvent qu'on exige pas assez, les autres trop. Moi, un peu par expérience, à C... on a quand même d'emblée posé la question des apprentissages et on avait même cliver les choses, pour éviter le parasitage, il y avait la réalité et l'expression et c'était même sur un plan topographique un grand couloir: les salles de réalité à droite et les salles d'expression à gauche, enfin, un clivage, des personnes différentes et on a fait ça pendant des années. Moi j'ai travaillé dans les deux cadres. C'est vrai, j'ai pu constater que certains gamins apprenaient des choses et que même parfois on était un peu surpris parce que tout d'un coup ils faisaient un puzzle à toute vitesse, ils accédaient à un signe, presque à une lecture symbolique, ouf., ouais, ils savent faire une classification, une sériation, mais après? moi, assez rapidement je n'ai plus souhaité travailler dans ce groupe d'apprentissage parce que j'avais l'impression que ces enfants là remplissaient leur musette, mais seulement ils n' en faisaient rien du tout, ça c'est quelque chose qui me pose problème, et c'est toujours à l'ordre du jour. Alors sauf si tu t'inscris vraiment dans un truc de conditionnement, oui tu vas leur apprendre, pendant un temps ils vont classer, puis quand ils sortent de là qu'est-ce qu'ils en font de la classification? j'avoue que j'ai relativisé ces questions d'apprentissage, d'ailleurs je m'en suis tenue loin, je suis assez peu informée par rapport à toutes ces méthodes, mais je ne dis pas qu'il n'y a pas des choses à y prendre.