Chapitre 1. Naissance du Centre Universitaire Catholique (1941-1945)

1. Un nécessaire recueillement

a) Combler un vide

Depuis l’occupation de la zone Nord par les Allemands, l’interdiction de toute activité publique impose aux mouvements confessionnels une vie semi-clandestine. La Paroisse universitaire (PU), qui rassemble des professeurs et des instituteurs catholiques travaillant dans l’enseignement laïc, est ainsi amenée à raréfier ses réunions publiques. Elle réussit cependant à tenir quelques réunions autour de son aumônier le père Gaston Brillet, un oratorien également aumônier de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm. Ces instituteurs et professeurs catholiques se retrouvent au 84 rue d’Assas, siège de la Conférence Saint-Michel 54 , et côtoient les Groupes catholiques des Sciences et des Lettres (GCS et GCL) qui rassemblent les étudiants de la Sorbonne et les élèves de l’École normale supérieure qui ont eux aussi trouvé, depuis la guerre, domicile au "84".

Soucieux de se préparer à un avenir à reconstruire, de jeunes étudiants en lettres et en sciences, parmi lesquels Pierre Danchin, un agrégatif d’anglais, Paul Germain, Jacques Polonovski et Jean Schiltz, trois "talas" scientifiques 55 , forment le dessein de mettre en place des cours de formation théologique. Ils expriment à leurs aînés leur désir de pouvoir expliquer à des incroyants leur foi en acquérant des bases théologiques fermes et fondées sur des recherches récentes 56 . Madeleine Leroy, secrétaire générale de la Paroisse universitaire 57 , prend alors la décision de constituer un foyer d’enseignement. Cette brillante Sévrienne qui enseignait au lycée Fénelon, décide de transformer, durant l’automne 1941, les séances de l’Union parisienne, section parisienne de la Paroisse universitaire, en cours de formation, l’enseignement étant l’une des rares activités autorisées par les Allemands en zone occupée :

‘"C’est alors que germa (…) l’idée de créer dans le giron de la PU un organisme nouveau, plus ouvert, plus élargi, plus documenté (…). Mademoiselle Leroy commença par s’enquérir prenant des conseils, étudiant son monde, avec une sagesse à laquelle on n’était pas accoutumé. Puis tout à coup, à la stupéfaction générale, on reçut une invitation à une réunion, qui devait consacrer la mise sur pied de la nouvelle formation ! Le Comité (sic) Universitaire Catholique était né, sous les auspices de la PU et le marrainage (sic) de sa secrétaire générale !" 58

A l’automne 1941, le Centre universitaire catholique (CUC) était né et proposait des cours de théologie, d’histoire de l’Église et de pédagogie 59 .

Notes
54.

Sur cette pension voir Cahiers universitaires catholiques, article nécrologique sur Madeleine Leroy, novembre 1963, p. 25.

55.

Paul Germain et Jacques Polonovski sont nés en 1920 et intègrent l’École normale supérieure en 1939. Le premier est également secrétaire général de la jeunesse étudiante chrétienne (JEC). Jean Schiltz a, quant à lui, intégré en 1935.

56.

Voir à ce sujet le témoignage de Pierre Danchin, "Souvenirs d’un étudiant", dans Théologie, spiritualité et résistance, Grenoble, PU de Grenoble, 1987, p. 238.

57.

Madeleine Leroy appartenait à la Congrégation des Filles du Cœur de Marie, une congrégation fondée pendant la Révolution française par Pierre-Joseph de Clorivière et Marie-Adélaïde de Cicé et dont la vocation est de vivre incognito dans le monde, sans signe distinctif, sans résidence commune obligatoire, en mission dans tous les milieux sociaux. Voir à ce sujet "Madeleine Leroy, l’intelligence au service du Christ" dans Dans la tourmente révolutionnaire, les Filles du Cœur de Marie, éditions Lambert-Laurent S.A., 1989, p. 30.

58.

Roger Pons, "In memoriam, Madeleine Leroy", brochure, p. 27.

59.

Voir en annexe la brochure de présentation du CUC.