c) La réponse aux nouveaux besoins de l’Église

L’élargissement des objectifs du CUC est à l’image de ce que vit une partie du catholicisme français après la guerre qui participe au ‘"climat de sympathie optimiste à l’égard des secteurs profanes qu’il s’agit de reconquérir au Christ : le monde de la recherche scientifique, celui de la culture, celui du progrès social"’ ‘ 111 ’ ‘.’ Il répond également à l’appel ressenti par bon nombre de catholiques, revenus de captivité ou résistants, qui souhaitent sortir du ghetto ecclésial. Tous ‘"ont découvert chez leurs compagnons de destin des aspirations et des motivations similaires aux leurs. A travers la légitimité du pluralisme des convictions, ils se sont forgés ou ils ont approfondi une identité commune"’ ‘ 112 ’ ‘.’ La création du nouveau Centre est également liée à la montée du laïcat au sein d’une Église dont la hiérarchie est en grande partie discréditée par absence de discernement politique à l’égard de Vichy 113 . Certes le CUC a été fondé par une religieuse, mais la majeure partie des activités est réalisée par des laïcs. Les fondateurs se refusent à une vision pyramidale ou cléricale de l’Église, au contraire, ils s’appuient sur une nouvelle pastorale ecclésiale qui permet à tout le peuple de Dieu de collaborer à l’évangélisation et à la mission sacerdotale 114 . Révélatrice est la place donnée à des théologiens comme le dominicain Yves Congar 115 et le jésuite Jean Daniélou qui durant l’année universitaire 1945-1946, présentent ensemble un cours sur "Le Corps mystique". Ce sujet, au cœur des recherches théologiques les plus en pointe des années 1940, permet de redonner au peuple de Dieu 116 une place principale, celui-ci devenant ‘"Corps du Christ et d’Église"’ ‘ 117 ’ ‘.’ Les deux théologiens se font l’écho des paroles du père de Montcheuil qui pendant la guerre en avait fait le thème de son enseignement 118 .

A la rentrée universitaire d’octobre 1945, objectifs et moyens semblent donc bien établis : le CUC se veut un foyer de réflexion pour des laïcs qui entendent ouvrir l’Église aux nouvelles exigences de la société. Or, en décembre de la même année, il disparaît au bénéfice d’un nouvel organisme dénommé Centre catholique des intellectuels français (CCIF).

Notes
111.

Roger Aubert, La théologie catholique au milieu du XXè siècle, Casterman, 1954, p. 67.

112.

Renée Bédarida, "Choix éclatés des catholiques entre les deux guerres" dans Les catholiques français et l’héritage de 1789, sous la direction de Pierre Colin, Beauchesne, coll. "Société, politique et religion", 1989, p. 211.

113.

Étienne Fouilloux, Les chrétiens français entre crise et libération, 1937-1947, Seuil, 1997, p. 189.

114.

Voir "Pastorale", dans Dictionnaire de spiritualité, ascétique et mystique, doctrine et histoire, sous la direction de Marcel Viller, Deschene, 1937 et article "Peuple de Dieu", dans Catholicisme.

115.

Le père Congar est né en 1904. Ce dominicain se spécialise dans l’ecclésiologie et l’œcuménisme (il fonde alors la collection "Unam Sanctam") ; il est également professeur au Saulchoir.

116.

Voir "Peuple de Dieu" dans Catholicisme, p. 1235.

117.

Lucien Cerfaux qui a montré le passage de la notion de peuple à corps du Christ et d’Église s’en explique lui-même quelques années plus tard dans un article de la revue du CCIF : "La théologie de la grâce selon saint Paul" dans RD 7, décembre 1949-janvier 1950, p. 3-11.

118.

Cours publiés en 1949 sous le titre Aspects de l’Église par le père Congar dans sa collection "Unam sanctam".