c) L’ambiguïté originelle

Si la petite équipe du Centre universitaire catholique avait compris la nécessité d’élargir son recrutement, si la création de la Fédération française des diplômés catholiques, puis du Mouvement international des intellectuels catholiques, lui avait apporté structuration et autorité, elle ne s’en interroge pas moins sur les limites de la cohabitation. L’envoi de lettres à l’étranger et les voyages du secrétaire général entrent-ils réellement dans la fonction du CCIF ? Celui-ci est-il subordonné aux directives de Pax Romana comme l’entendent certains membres du MIIC ? Ou bien, au contraire, chaque section du MIIC a-t-elle carte blanche pour s’organiser ?

Les statuts ont pourtant clairement défini les termes de l’association : l’union du CCIF et des groupements de diplômés catholiques est fondée uniquement sur l’échange intellectuel :

‘"Les associations de diplômés catholiques considèrent que le CCIF a pour but de favoriser tous les échanges possibles entre les intellectuels catholiques de disciplines différentes (…). Les associations s’engagent pour leur part à faire profiter de leurs propres travaux les groupes avec lesquels le CCIF entretient des relations." 213

La liaison entre les deux entités se situe donc sur le strict plan culturel. Les différentes associations de diplômés adhèrent au CCIF pour profiter des échanges intellectuels. Le CCIF permet donc à tous les types d’intellectuels (universitaires, ingénieurs et techniciens) de se retrouver, pour réfléchir ensemble aux problèmes que se pose la société. Mais en étant la section française du MIIC, le CCIF ne doit-il pas participer à tout ce qui caractérise ce mouvement : apostolat au sein de la population active, représentation au sein des organismes nationaux et internationaux ? Cette tâche, tous les membres du bureau ne sont pas prêts à l’assumer. D’autant que derrière ces divergences sur les objectifs, se profile une mésentente beaucoup plus subtile et forte de tensions à venir. Les deux courants incarnent deux lignes idéologiques que met bien en valeur un différend né lors des Conversations de San Sebastian en 1949. Lors de ce rassemblement, décision avait été prise de rédiger une "Déclaration des droits de l’homme selon les principes chrétiens". Au cours de l’élaboration du texte, les divergences éclatent : les intervenants français et espagnols ne peuvent se mettre d’accord sur le statut de la liberté religieuse 214 . L’épisode est mineur, mais souligne deux conceptions théologiques : l’une (libérale ou transigeante) accorde au monde un préjugé favorable, l’autre (intransigeante) se refuse à faire une quelconque concession à l’égard du monde. L’incident est à l’image des différends qui vont opposer la ligne internationale du CCIF à sa ligne plus "gallicane".

Notes
213.

Texte du projet d’accord entre le CCIF et les associations de diplômés, texte non daté, p. 1, carton 36, ARMA.

214.

Quelque temps après ce congrès, l’abbé Berrar invite les pères Bouillard et Congar et l’abbé Richard à reprendre la question lors d’un débat intitulé "Ordre temporel et vérité religieuse". Ce débat est reproduit dans RD 10, supplément sciences religieuses, juin-juillet 1950, p. 1-16.