C’est en septembre 1952 que Robert Barrat entreprend de lancer une petite encyclopédie catholique pour présenter, sur les grands thèmes catholiques, une synthèse rapide et sérieuse pour un public catholique cultivé. Une nouvelle fois l’équipe fait appel à Stanislas Fumet 513 mais c’est finalement le propre gendre du poète, G.-H. de Radkowski, qui se lance dans l’aventure 514 . Dans une lettre, le secrétaire général précise le projet :
‘"Les volumes de notre collection auront plutôt le caractère d’ouvrages d’une honnête et sérieuse vulgarisation. Ils se trouvent sur un palier au-dessous des ouvrages sérieux proprement scientifiques (...). Tout ce que nous voulons c’est que ces volumes soient faits par des gens avertis qui ne risquent pas de déformer les faits ou de dégager, faute de culture suffisante et de jugement assez sûr, de fausses perspectives au problème traité." 515 ’Tous les types de sujets doivent être abordés : le mariage, le célibat, la chasteté, le curé, l’évêque, la messe, la paroisse, le sens du pèlerinage ou encore l’évolutionnisme 516 . Une liste de rédacteurs est établie : pour la synthèse sur "le curé" sont ainsi pressentis le père Chéry, prieur dominicain de Clermont-Ferrand, le père Ducattillon, prieur du couvent dominicain de Paris et l’abbé Michonneau dont l’ouvrage Paroisse, communauté missionnaire est devenu un classique ; pour celui consacré à "l’évêque", Mgr Garrone, archevêque coadjuteur de Toulouse et Mgr Guerry, archevêque de Cambrai et secrétaire de l’assemblée des cardinaux et archevêques sont sollicités. Ce ne sont donc pas particulièrement les proches du Centre qui sont ainsi invités, mais principalement des pasteurs dont la conformité à la tradition n’est pas soupçonnable.
C’est finalement trois ans plus tard que le projet est concrétisé, mais la collection a quitté le CCIF pour Fayard 517 . Cette reprise par Fayard froisse Stanislas Fumet qui s’en explique à Daniel-Rops, le directeur de la collection :
‘"J’ai reçu de Jean-Marie Paupert une invitation très gentille pour me prier de collaborer à une collection que vous devez diriger chez Fayard, et qui n’est autre que cette petite encyclopédie catholique, conçue naguère par le CCIF, dont mon gendre, G.-H. de Raddkowski s’était activement occupée. Je suis un peu surpris de voir que le projet n’a pas été abandonné pour se fondre dans la collection ECCLESIA, ainsi que nous l’avions cru. La collection a même gardé le titre que je lui avais trouvé : JE SAIS, JE CROIS. Très heureux que ce soit Paupert, un charmant garçon et un camarade que mon gendre et ma fille estiment beaucoup, qui prenne la succession de Raddkowski ; Mais que ces manières de Fayard à mon égard sont donc étranges !" 518 ’Mécontentement bien compréhensible de Stanislas Fumet d’autant qu’en ces années 1950 il connaît plusieurs échecs qui l’éloignent de la scène publique 519 . Si la création n’aboutit pas au sein du CCIF par manque de moyens et de temps, le projet n’en est pas moins emblématique de ses nouvelles orientations : une approche globale du fait culturel et religieux. Beaucoup ont vu dans cette inflexion la seule volonté de Robert Barrat : certes le propre choix professionnel du secrétaire général semble illustrer cette orientation, car ce normalien qui aurait pu choisir la voie classique de la recherche et de l’enseignement, préfère la brûlante actualité, comme son condisciple à la rue d’Ulm, André Mandouze. Mais il faut y ajouter deux autres raisons : d’une part, la crise de 1951 a conduit l’équipe à redéployer ses thèmes, d’autre part, le contexte franco-romain marqué par des sanctions incite à davantage de prudence.
L’évolution a conduit bon nombre de témoins à conclure que le secrétariat de Robert Barrat marquait la fin d’un CCIF de haut niveau philosophique et théologique. C’est réduire considérablement le travail qui a continué de s’y accomplir : une partie des débats et les cahiers restent d’une grande valeur ; c’est également oublier la recherche qui s’est développée au sein de colloques privés et d’autres espaces de recherche largement oubliés de la mémoire collective.
Première mention de ce projet dans une lettre de Robert Barrat à Stanislas Fumet, 22 septembre 1952, p. 1, ARMA.
Lettre de Robert Barrat à G.-H. de Radkowski, 11 mai 1953, p. 1, ARMA.
G.-H. de Radkowski à Mgr Baron, 30 septembre 1953, p. 1, ARMA.
Liste des sujets dressés en 1953 avec la liste des potentiels rédacteurs, minutier 1953-1954, ARMA.
Daniel-Rops rappelle également l’initiative du CCIF et la récupération du projet par Fayard. Voir son article "Une initiative catholique de France", dans Carrefour, 8 mai 1957.
Stanislas Fumet à Daniel-Rops, copie, 1er octobre 1955, dossier "Correspondance", Papiers Fumet, BN. Voir également le témoignage de Jean-Marie Paupert dans Péril en la demeure, Éditions France-Empire, 1979, p. 150-154.
Voir à ce sujet l’article déjà cité d’Étienne Fouilloux.