3. Les Semaines : à l’image de la double vocation du Centre

a) Visibilité d’une intelligentsia catholique internationale

En tant que section française du MIIC, le CCIF était amené à faire de la Semaine des intellectuels catholiques un lieu de rencontres entre intellectuels catholique de tous pays. Il semblait alors logique d’attendre des différentes associations internationales de diplômés catholiques de participer à la mise en place de la réflexion. Après la crise de 1951, l’équipe cherche donc à renouveler les liens en invitant de nombreux étrangers à la Semaine :

‘"Nous souhaitons - précise une lettre circulaire - vivement que les relations établies avec votre organisation, sous l’égide de Pax Romana, deviennent de plus en plus effectives au point de vue intellectuel pour nous communiquer mutuellement tous renseignements concernant les courants d’idées et d’opinions intéressant le catholicisme dans nos pays respectifs, et au point de vue de l’accueil des personnes venant dans notre pays en France et vice versa." 563

L’appel est entendu. En 1952 lors de la SIC consacrée à la liberté dans l’Église, plusieurs Allemands participent à la réflexion : Rolf Gogler fait parvenir un livre sur le sujet 564  ; Gerhard Maetze adresse un ‘"Exposé sur la liberté et le déterminisme du point de vue de la psychologie des profondeurs"’ ‘ 565 ’ ; Werner Leibbrand donne des indications bibliographiques ; quant au père Bernimont, directeur des Études religieuses à Liège, il envoie les articles parus dans la Civiltà cattolica depuis 1950. La demande est renouvelée l’année suivante pour la SIC consacrée à "Monde moderne et sens de Dieu", mais sans succès.

En 1955, l’équipe décide d’élaborer une liste de groupes linguistiques chargés d’entretenir des rapports avec chaque pays. Les objectifs sont un peu flous si l’on s’appuie sur la lettre circulaire adressée aux potentiels invités : il s’agit de présenter des ouvrages intéressant la foi et ainsi de permettre l’élaboration d’un fichier de personnalités susceptibles de venir traiter de tel ou tel problème. L’objectif est une fois encore le même : il s’agit d’agrandir le cercle des conseillers théologiques et philosophiques du CCIF à une dimension internationale 566 . Grâce à l’aide de la revue Dokumente, un premier groupe d’intellectuels français spécialisés dans les questions allemandes se constitue pour échanger des informations ; puis vingt-trois universitaires allemands sont invités à participer à l’élaboration de la problématique de la SIC 567 . L’expérience n’est pas renouvelée, malgré son indéniable réussite. Si la Semaine reste un haut lieu d’échanges entre intellectuels venus des quatre coins de l’Europe, elle n’aboutit cependant pas, à la communauté de travail rêvée.

Tableau des étrangers venus aux SIC
  Nombre d’interventions aux SIC
  46-51 52-57 Total
  Nb % Nb % Nb %
Tous les intervenants 143 100% 166 100% 794 100%
Tous les étrangers 10 7% 10 6% 40 5%

Si le Centre souhaite effectivement bénéficier de la réflexion d’intellectuels catholiques étrangers, il entend, finalement, définir lui-même les problématiques et faire appel, quand il le souhaite, à tel ou tel penseur. Il invite ainsi Romano Guardini, Albert Dondeyne, Jacques Leclercq ou encore le démocrate-chrétien florentin Giorgio La Pira.

Tableau des intellectuels étrangers venus aux SIC (1952-1957)
Intervenants SIC
Noms Prénoms Nationalités Venus Invités
Baudoin Charles Suisse 53 et 56 54
De Greef Étienne Belgique 52  
Dirks Walter Allemagne   56
Dondeyne Albert Belgique 53  
Ewald Wolfgang Allemagne   55
Gedda Luigi Italie 57  
Guardini Romano Allemagne   53
Haas Harry Allemagne 53  
Jongmans   Pays-Bas   56
Kaelin Jean de La Croix Suisse 57  
Klomee   Pays-Bas   56
La Pira Giorgio Italie 54 et 55  
Ladrière Jean Belgique   53
Morren Lucien Belgique 53  

Le tableau montre avec éloquence les choix théologiques et philosophiques que le CCIF a fait tout au long de ces années. Certes, il y a le thomiste Jean de la Croix Kaelin, mais il est davantage invité en tant qu’aumônier du MIIC qu’en tant que secrétaire de la revue Nova et Vetera. Certes, il y a Luigi Gedda, président très conservateur de l’Action catholique italienne, mais il reste bien isolé par rapport aux autres invités dont la principale particularité est d’entretenir un dialogue avec la modernité.

La Semaine avait d’abord été conçue comme un espace de dialogue pour intellectuels catholiques, mais rapidement les séances dialoguées avaient été transformées en deux ou trois exposés successifs afin de donner à l’ensemble un ton plus cohérent. La SIC s’était rapprochée alors du profil pédagogique des Semaines sociales. Pour pallier la disparition de l’échange intellectuel, le Centre décide de mettre en place des séances de travail privées.

Notes
563.

Lettre circulaire du 24 mars 1952, p. 1, "dossier SIC 1952", ARMA.

564.

Ouvrage de R. Egenter sur la liberté : Freiheit der Kinder Gottes.

565.

10 pages, 16 avril 1952, "dossier SIC 1952", ARMA.

566.

Lettre circulaire du 16 février 1955 qui présente le projet, 2 p, "dossier SIC 1955" ARMA.

567.

Allemands inscrits à la SIC 1955 : Wolfgang Ewald, Mgr Wachowski (aumônier du corps diplomatique), Dr. Ross, abbé Allroggen, W. Schafter, Fauler, Gierlings, Fr. Kupfer, Fr. Schmitz-Bunse, Fr. Kroger, K. Wever, Fr. Beermann, W. Kreiterling, F. Gotz, T. Spiegelhalter, Fr. Egloff, Fr. Gotz, C. Bitzenhoffer, J. Laubach, Fr. Speigelhalter, Dr. Mielenz, Immelsbach, Eschbach. La plupart résident à Fribourg en Brisgau, quelques-uns à Dusseldorf et le reste dans les autres villes universitaires allemandes.