a) Des problématiques hardies

L’équipe décide d’analyser, lors de cette Semaine, l’attitude de l’Église devant les civilisations. Il s’agit de s’interroger sur la valeur des différentes civilisations, de montrer l’équivoque d’une civilisation chrétienne et ses dangers. Le programme est de grande envergure comme le montrent les titres de séance :

‘"L’Église n’est pas cléricale, l’Église conteste et comprend le communisme, l’Église ne cesse de "passer aux barbares", l’Église parle toutes les langues humaines, l’Église ne redoute pas une civilisation de la science et la technique et l’Église croit à l’avenir du monde." 897

Il constitue un véritable plaidoyer pour une Église ouverte, remplie d’espérance et soucieuse de dialogue. Pour expliquer ces formules Henri Bédarida, le père Daniélou et François Mauriac sont invités pour la séance consacrée à "Vérités et équivoques de la civilisation chrétienne" ; l’abbé Berrar (qui remplace le père Congar), Henri-Irénée Marrou, René Rémond et Victor-Lucien Tapié pour "L’Église n’est pas cléricale" ; le père Bigo, Georges Hourdin, Jean Marchal et Edmond Michelet pour "L’Église comprend et refuse le communisme" ; Mgr Chappoulie, Jean-Baptiste Duroselle, François Perroux, et André de Peretti pour "L’Église ne cesse de passer aux barbares" ; le père Houang, Olivier Lacombe, Maurice Vaussard et le père Varillon 898 pour "L’Église parle toutes les langues humaines" ; le père Bergounioux, Jean Fourastié, Louis Leprince-Ringuet et René Perrin pour "L’Église ne redoute pas une civilisation de la technique" ; et enfin pour la séance de clôture, Henri Bédarida, Étienne Borne, Jacques Madaule, Carlos Santamaria et Giorgio La Pira.

L’équipe pense alors inviter Jean Villot, le directeur du Secrétariat de l’épiscopat, à l’une des séances mais celui-ci répond :

‘"Vous savez trop combien j’apprécie l’action et le rayonnement du CCIF pour douter de mon désir de vous être agréable. Il me faut cependant vous avouer en toute franchise et cordialité : la présentation donnée au débat du mardi 15 novembre (…) m’incite à ne participer à la Semaine qu’en qualité de simple auditeur. Certes, je comprends la nécessité d’une réflexion chrétienne sur le communisme envisagé dans l’ordre de la civilisation, je pense même que le CCIF a vocation pour étudier ce problème mais je ne crois pas qu’il soit opportun de l’aborder actuellement devant un aussi large auditoire, et l’énoncé du programme ne fait qu’accentuer cette manière de voir. Traversant Paris dimanche dernier, j’ai voulu prendre conseil de S. Em. Le cardinal Feltin avant de vous répondre. Il ignorait le détail de la semaine, mais il pense, lui aussi, que le CCIF s’aventurera ce jour là sur un terrain miné." 899

L’équipe persiste. Ce choix exigeant l’amène à expliciter et à justifier sa position :

‘"On espère donc - précise Étienne Borne - avec peut-être un excès de naïveté, désarmer la malveillance des soupçonneux, prompts à usurper des rôles inquisitoriaux et désarmer les roueries des trop habiles qui ont déjà cherché à annexer notre pensée à la politique." 900

Notes
897.

Projet de la SIC 1955, p. 2, AICP.

898.

Né en 1905, il entre dans la Compagnie de Jésus après des études littéraires (il s’enthousiasme pour Paul Claudel). Il est aumônier de l’ACJF et réside à Lyon.

899.

Mgr Jean Villot à Étienne Borne, 28 juillet 1955, p. 1, AEBE.

900.

SIC 1955, p. 222.