b) Valoriser un double axe

L’invitation faite au père Congar dès l’arrivée de l’abbé Biard au "61" avait été emblématique du choix que l’assistant ecclésiastique entendait privilégier : donner toute sa place à la réflexion œcuménique. A son arrivée François Bédarida, cherche à faire évoluer les axes de réflexion. Sans dédaigner les thèmes confessionnels, il entend tenir compte des mutations sociales et des nouvelles approches que proposent les sciences humaines. Il cherche ainsi à faire entrer la réflexion catholique dans la modernité sociale et technique du moment. Le CCIF prend alors la même direction que la revue Esprit qui, après le décès d’Albert Béguin, entreprend de s’intéresser aux phénomènes de modernisation économique 1013 . François Bédarida réoriente donc les débats et les SIC sur les mutations de la société française : la première Semaine organisée sous son mandat est consacrée au travail, la suivante à l’avenir :

Les cahiers s’intéressent aux questions internationales, aux pratiques confessionnelles, à l’œcuménisme et à l’évolution de la société occidentale. L’axe philosophico-théologique perd de son importance au bénéfice d’une autre réflexion philosophique, elle aussi méthodologique, mais ancrée sur des thèmes profanes en plein renouvellement : l’un sur le symbole, l’autre sur l’histoire 1014 . Les débats et conférences reflètent moins les nouveaux objectifs de l’équipe, les sujets restent plus classiques. L’équipe doit faire face ici à un public plus traditionnel que celui des cahiers, qui attend davantage une réflexion catholique sur certains aspects de la société :

Une large part est donnée aux événements de société (19% à 31%) : les problèmes médicaux sont tout particulièrement privilégiés (1,8% à 4,2%) ainsi que l’école (1,4% à 3,7%). La littérature et les arts conservent une forte importance avec 22% (29% à la période précédente). Si les thèmes catholiques gardent un certain poids, la part des théologiens et de la théologie baisse considérablement. La présentation du concile et l’intérêt nouveau porté aux pratiques confessionnelles rééquilibre cependant le nombre d’interventions. Enfin, la portion accordée à la vie étrangère est multipliée par deux, elle symbolise l’ouverture voulue sur le monde catholique international et sur l’évolution socio-économique des autres continents. C’est d’ailleurs dès 1957 que l’abbé Biard avait senti la nécessité de reprendre contact avec 1a vie internationale en renouant quelques liens avec Fribourg. Deux ans plus tard, l’annonce d’un concile œcuménique souligne plus encore la nécessité de cet effort.

Notes
1013.

Goulven Boudic, "Héritage de Mounier, succession de Béguin", dans Esprit, juillet 1998, p. 49 et sequentes.

1014.

Le Symbole, RD 29, décembre 1959, 212 p. L’histoire et l’historien, RD 47, juin 1964, 230 p.