Chapitre 3. Au cœur de la problématique conciliaire

1. Faire connaître, faire comprendre : le CCIF porte-parole du concile

a) Les différentes sessions et encycliques

Quoi de plus logique que de constater que le CCIF a participé intellectuellement à la réception du concile dans les cœurs et dans les esprits, en organisant une quinzaine de débats qui en a valorisé l’enseignement et expliqué ses conséquences pratiques pour l’organisation ecclésiale ? Le 23 janvier 1961, le père Congar inaugure la grande série des débats et conférences sur Vatican II par un exposé sur l’œcuménisme 1159 , en 1966, le cycle s’achève par un débat consacré à la constitution De divina relatione 1160 .

Tableaux des activités confessionnelles
Débats et conférences 1947-1957 1958-1965
Vatican II   4,2%
Pratiques confessionnelles 1,8% 4,2%
Théologie 7,2% 3,2%
Théologiens contemporains 0,7% 1,6%
Théologiens 3,6% 1,1%
Bible 0,7%  
Sociologie religieuse 0,4%  
Total 14,4% 14,3%
Recherches et Débats 1952-1957 1958-1965
Pratiques confessionnelles 5% 13%
Théologie et philosophie 19% 6%
Science et théologie 10% 3%
Total 34% 22%

Si la revue Esprit a demandé à ses lecteurs d’exprimer leurs "vota" en 1961 1161 , le CCIF établit lui aussi les siens lors de l’importante Semaine de 1961 intitulée "Catholicisme un et divers". Cette Semaine se propose de faire le bilan du catholicisme à la veille du concile. Le père Congar et Pierre Joulia exposent les vraies et fausses légitimités des divisions des catholiques lors de la première séance ; René Rémond, Joseph Hours et Marcel Reinhard analysent la division historique des catholiques ; Gabriel Le Bras, José-Luis Aranguren et François Mauriac montrent les différends et différences entre les traditionnels et les novateurs. Joseph Folliet, Henri-Irénée Marrou et le père Liégé présentent l’autorité et la liberté dans l’Église ; Olivier Lacombe, le père Daniélou et Étienne Borne soulignent la diversité des philosophies chrétiennes 1162 . Enfin, André Lichnerowicz, Jean Guitton et le père Voillaume présentent la richesse et la diversité des spiritualités catholiques. C’est une Semaine importante où certains principes chers au CCIF sont rappelés ; une Semaine qui se veut un bilan du catholicisme avec ses lacunes et ses richesses.

C’est donc le 17 décembre 1962 que la première conférence strictement consacrée au concile est organisée afin d’établir le bilan de la première session conciliaire. L’équipe fait appel à un de ses plus fidèles intervenants, nommé expert au concile, le père Jean Daniélou 1163 . Un an après, le même orateur fait le bilan de la deuxième session du concile par une réunion d’information et de justification qui souligne la très grande réussite du texte sur la liturgie et rappelle la quasi-unanimité sur le décret. Le jésuite reprend ensuite, point par point, les schémas qui ont été discutés pour les insérer dans le contexte : schéma sur l’autorité et la collégialité, schéma sur l’œcuménisme, schéma sur le laïcat et enfin liberté religieuse 1164 .

Le 14 décembre 1964, c’est au tour du père Congar, autre ami et lui aussi expert à la Commission théologique de Vatican II, de présenter la troisième session. Bien que troublée par des manifestants à l’ouverture 1165 , cette conférence a un énorme succès (plus de 2370 personnes viennent écouter le dominicain) et joue un rôle important tant pour l’accueil du message conciliaire que pour la reconnaissance de l’auteur de Vraie et fausse réforme dans l’Église. Dix ans à peine séparaient cette glorieuse séance de son exil en Angleterre 1166 .

Gaudium et spes fait l’objet de deux débats. Le premier, " L’Église et la culture", rassemble en février 1965 Paul Germain, Jacques Madaule et le père Daniélou. Le second a lieu en février 1966 en la présence du recteur de l’Institut catholique de Paris, Mgr Haubtmann, de l’abbé Berrar qui avait été invité à participer au concile comme auditeur, de l’abbé Colin, de Madeleine Barthélémy-Madaule et de Paul Germain 1167 . La présence de ce dernier aux deux débats n’est pas surprenante : certains membres de l’Union catholique des scientifiques français ont en effet reçu des mains de Mgr Veuillot le dossier préparatoire du Schéma 1168 . Paul Germain, Jacques Polonovski, Dominique Dubarle et Philippe Roqueplo 1169 avaient alors "corrigé" le texte : plus de cinquante pour cent de leurs corrections avaient été agréées par les pères conciliaires.

La réorganisation pratique de la vie ecclésiale (liturgie, sacerdoce et laïcat) est également largement privilégiée par le Centre. Un premier débat est organisé en juin 1965 sur ‘"Recherches missionnaires d’aujourd’hui"’ ‘ 1170 ’, un deuxième en novembre 1965 sur "Prêtres et sacerdoces d’aujourd’hui", un troisième sur les laïcs en février 1966 1171 , un quatrième sur "Le français, langue liturgique" en janvier 1966 1172 . Ces débats se situent à la suite de la Constitution De sacra liturgia de décembre 1963, du décret Optatam totius promulgué en octobre 1965 qui redéfinissait les grands principes de la vocation sacerdotale 1173 . Le Centre fait également une place à des livres qui remettent en cause la vision classique de la vocation religieuse, c’est ainsi le cas lors du débat consacré à Au risque de se perdre en présence du docteur Bertolus, de sœur Marie-Edmond, du père Plé et de Jean Guitton 1174 . Les débats sont autant une réflexion sur le sacerdoce que sur la mission et ses méthodes, c’est-à-dire sur le lien entre vocation sacerdotale et mission 1175 . Pour présenter ces décrets, l’équipe fait systématiquement appel à des acteurs et praticiens, à des laïcs et ecclésiastiques. Ainsi pour le débat sur les laïcs, l’équipe invite des membres de l’Action catholique indépendante (Alain Galichon) et de l’Action catholique ouvrière (Félix Lacambre). Celui consacré à la pastorale missionnaire est présenté par des acteurs missionnaires : l’abbé Michel Lafon qui réside au Maroc, le père Duperray de la Société des auxiliaires des missions, spécialiste de la missiologie. Mais plus encore pour ces questions d’ordre ecclésial, l’équipe fait appel à des laïcs : Paul-André Lesort pour le débat sur la mission, le poète Patrice de la Tour du Pin pour la liturgie. Leur présence est hautement symbolique de la place qu’entendent désormais jouer les laïcs dans l’élaboration de la théologie.

Parallèlement aux débats, certains cahiers accomplissent un travail de réflexion poussée sur d’autres thèmes conciliaires : le rapport science et foi, le laïcat, la pauvreté, la sainteté, la liberté religieuse.

Notes
1159.

Publiée dans RD 36, octobre 1961, p. 212-231.

1160.

Publié dans RD 57,décembre 1966, p. 153-174.

1161.

Voir sur ce point José Oscar Beozzo, "Le climat extérieur", dans Histoire du concile Vatican II, sous la direction de Giuseppe Alberigo, version française sous la direction d’Étienne Fouilloux, tome 1, Le Cerf, 1997, p. 408.

1162.

Alphonse de Waelhens avait d’ailleurs été invité à participer à la séance pour l’exemple, puisque sa contribution devait montrer l’apport de la pensée hégélienne à la philosophie contemporaine. Olivier Lacombe à Alphonse de Waelhens, 23 juin 1961, p. 1. Le Belge ne pourra y participer, pris par des engagements antérieurs.

1163.

Aucune trace de cette conférence.

1164.

RD 46, mars 1967, p. 171-184.

1165.

Description dans Le Monde, 15 décembre 1964.

1166.

Conférence qui fait l’objet d’un enregistrement.

1167.

Seule l’intervention de l’abbé Colin est publiée dans RD 57, décembre 1966, p. 141-149. Il y fait une analyse anthropologique de la constitution.

1168.

Paul Germain, André Lichnerowicz, Philippe Roqueplo. Malheureusement le dossier de corrections n’a pas été retrouvé par Paul Germain.

1169.

Polytechnicien entré dans l’ordre de saint Dominique, il devient assistant ecclésiastique de l’UCSF et redynamise profondément le bulletin de l’Union et les équipes de réflexion.

1170.

Autour du livre d’Albert Peyriguère Le temps de Nazareth, 10 juin 1965, avec Paul-André Lesort, l’abbé Michel Lafon, l’abbé Edouard Duperray et Cornelis.

1171.

Avec l’abbé Laurentin, Félix Lacambre, René Rémond et Alain Galichon.

1172.

Pères Rimaud et Roguet, Patrice de la Tour du Pin. Le décret sur la Sainte Liturgie date de décembre 1963.

1173.

Avec François Bédarida, Jacques Duquesne, l’abbé Lelièvre et Mgr Delarue.

1174.

Ainsi L’effort algérien cite "Le texte de la remarquable intervention faite par le docteur J.-R. Bertolus", 8 avril 1960. Le texte est publié dans RD 27, juin 1959, p. 217-251.

1175.

Article "Vocation," dans Dictionnaire de spiritualité p. 1121.