Pour bon nombre d’institutions françaises, l’année 1965 préfigure la crise de Mai 1968 1312 : le désintérêt pour le sujet et le sentiment pessimiste sur le monde des techniques fissurent la pensée occidentale 1313 . La plupart des revues et des groupes subissent alors les premiers soubresauts d’une crise qui culmine en mai 1968. Les historiens de la revue Les Temps modernes 1314 , des centres régionaux protestants 1315 ou encore des Semaines sociales 1316 , constatent l’affaiblissement et le moindre rayonnement de ces foyers intellectuels. La cause paraît donc entendue : le CCIF ne peut être que touché par la tourmente puisqu’il s’alimente aux même réseaux de la moyenne et haute intelligentsias. C’est d’ailleurs le constat de la plupart des témoins directs qui déterminent l’année 1965 comme la date originelle du dépérissement de l’institution. Seuls ceux qui ont dirigé le CCIF entre 1965 et 1975 se refusent à une telle analyse : parmi ces derniers, certains considèrent l’année 1968 comme l’année originelle de la crise, d’autres au contraire penchent pour le début des années 1970. Le schéma mérite donc d’être réexaminé 1317 .
Yves Congar, L’unité, réflexions et souvenirs, op. cit., p. 110-111.
Voir à ce sujet René Rémond, Histoire de France, tome 4, Notre siècle, 1918-1991, Fayard, 1991, 957 p.
Vincent Descombes, "Vers une crise de l’identité en philosophie française", dans Les Enjeux philosophiques des années 50, Colloque Georges Pompidou, éditions Georges Pompidou, Espace international, 1989, p. 147-148.
Michel Winock, Chronique des années soixante, op. cit., p. 59.
Voir Dominique Galland, "L’évolution des Centres régionaux au cours des vingt dernières années : du centre de formation de laïcs aux Centre des Rencontres et de Recherches" dans Crises et mutations institutionnelles dans le protestantisme français, sous la direction de Roger Mehl, actes du 3ème colloque de sociologie du protestantisme, Strasbourg, 1972, supplément aux bulletins CPED avril-août 1974, p. 18-36.
Philippe Lécrivain pour les Semaines sociales de France fait le constat d’une "impossible adaptation", "Les Semaines sociales de France", dans Denis Maugenest, sous la direction de, Le mouvement social catholique en France au XXè siècle, Le Cerf, 1990, p. 162.
L’ensemble de cette partie chronologique pâtit d’études précises sur l’histoire des intellectuels, sur la crise du catholicisme et sur les enjeux de la sécularisation. Elle pâtit enfin de l’absence de mémoires ou d’autobiographies. L’étude est donc véritablement celle d’un itinéraire collectif en proie à une crise d’identité, elle repose sur de nombreuses hypothèses de travail qui pourront être confirmées ou infirmées lorsque cette période aura fait l’objet véritablement d’un approche historique complète.