b) L’élargissement

Les liens entre la Paroisse universitaire et le CCIF avaient toujours existé en raison du même milieu qu’ils avaient pour vocation de toucher. Les origines n’avaient pas été exemptes de tensions, mais les années aidant, chacun avait délimité son espace et son combat. En ces années post-conciliaires, la Paroisse universitaire ayant définitivement gagné la bataille d’une laïcité ouverte, ressent le besoin de redéfinir ses orientations dans un sens plus intellectuel. Elle se tourne alors vers le CCIF et lui propose un projet autour du "devoir d’intelligence". La première réunion se déroule le 16 mai 1967 au domicile de René et Josette Rémond 1324 . Une partie de l’équipe du CCIF est présente : Jean-Louis Monneron, Suzanne Villeneuve, l’abbé Coloni et Marc Venard ainsi que certains membres de la Paroisse : Pierre Marthelot, Alain Guillermou, Jacques (?) Fontaine, Sarrazin, Nicole Desmerger, Depardon et les pères Guimet et Morel. Le 14 juin 1967, une nouvelle réunion propose de créer des commissions mixtes sur les sciences humaines et d’organiser des colloques communs dans différentes villes 1325 . La décision est également prise de consolider les liens entre les deux organismes en invitant, de part et d’autre, un membre externe au groupe à participer aux réunions de travail 1326 .

Parallèlement se développent des liens avec des universitaires catholiques dispersés sur le territoire hexagonal. En janvier 1966, il avait été décidé de faire une réplique de la SIC parisienne à Lyon. Il s’agissait de permettre à ce grand foyer intellectuel du catholicisme français de participer à l’une des activités de l’intelligentsia catholique. Malgré le départ de François et René Bédarida, principaux initiateurs du projet, le programme se poursuit et s’élargit. En 1967, le terme de "CCIF provinciaux" est prononcé et, en juin de la même année, Jean-Louis Monneron met en place une instance de validation des groupes. En novembre 1967, Lille manifeste son désir d’établir des liens avec la rue Madame et en avril 1968, plusieurs universitaires se réunissent à Paris pour préparer la Semaine 1969 sur "La Vérité". Sont présents : François Laplanche (Angers) 1327 , Jacques Lagroye (Bordeaux), Yves-Marie Hilaire (Lille), Bailley, Baulie, Hugon, Leroux, Renault et le père de Verdière (Le Mans) 1328 , Paul Lagarde (Nancy), Philippe d’Harcourt (Nantes), Cauvin (Nice), Maurice Crubellier (Reims). L’abbé Latreille de Lyon et Fernand Mathis de Toulouse n’ont pu venir. Sur les huit groupes présents, un seul a une réelle assise institutionnelle : Bordeaux qui depuis 1966 a un Centre catholique de recherche chrétienne (CCRC). En 1968, une réplique de la Semaine est organisée à Lyon avec l’appui logistique de Paris. L’abbé Jean Latreille en est le grand organisateur 1329 . D’autres Semaines suivront : ‘"L’Église que Jésus a voulue"’ ‘ 1330 ’ ‘,’ ‘"N’avons-nous pas le même Père ?"’ ‘ 1331 ’ et "La Vérité". Ce 20 avril 1968, les groupes provinciaux demandent la mise en place de liens institutionnels les associant au CCIF 1332 . Le contrat d’association qui est conçu n’unit pas un centre parisien à des filiales, mais un centre à d’autres centres autonomes qui établissent eux-mêmes des liens réguliers entre eux. Pour que le contrat soit engagé l’équipe du "61" demande que soit réellement constitué des groupes :

‘"(…) associant jeunes et adultes, universitaires et non universitaires, que ce groupe ait une équipe de direction (…) et qu’il assure un minimum d’activités locale (…). D’autre part, il faut que soit établi un certain type de relations avec la hiérarchie, n’entraînant pas une dépendance directe, mais correspondant à un accord, sanctionné par exemple par la présence d’un conseiller ecclésiastique. Ceci acquis, chaque groupe doit disposer d’une complète liberté d’action." 1333

Il ne s’agit donc pas de reconstituer ce qui avait été lancé aux origines du CCIF, c’est-à-dire un CCIF sur un mode fédératif, mais d’établir des accords de coopération entre le président du Centre et des espaces de réflexion. Pour concrétiser les liens, deux réunions annuelles sont organisées et un bulletin de liaison est envoyé aux différents membres de la province 1334 . Lyon en 1969 crée le Centre lyonnais de recherche chrétienne (CLRC). A Nancy, c’est au sein de l’Institut des sciences religieuses que se forme le groupe qui souhaite proposer un enseignement et reprendre quelques séances de la SIC parisienne 1335 ; quant aux Niçois, ils étudient la possibilité de mettre en place des sessions de travail pour étudiants et professeurs 1336 .

Si la constitution de ces liens avec la province souligne l’influence du Centre parisien, elle n’est pas pour autant dépourvue d’ambiguïtés. D’une part, le recrutement est strictement universitaire, il est donc bien éloigné des efforts originels d’ouverture ; d’autre part, ces groupes se constituent moins pour entamer un dialogue avec le monde que pour échanger entre catholiques. Ils soulignent indirectement les premiers symptômes de la crise post-conciliaire dont le principal effet est de se recentrer sur l’identité chrétienne. Le CCIF n’y voit quant à lui qu’une reconnaissance de son travail ; jugement fondé sur l’incontestable réussite des Semaines.

Notes
1324.

Carton 12, AICP.

1325.

Compte rendu de la réunion, p. 2, carton 12, AICP.

1326.

Un membre du CCIF se rendra régulièrement de 1967 à 1971 aux réunions de la Paroisse.

1327.

Le groupe a été créé en 1969 à partir d’un regroupement de professeurs de l’Institut catholique d’Angers et de membres de la Paroisse universitaire. L’évêque d’Angers donne son accord à ce foyer et nomme un assistant ecclésiastique.

1328.

Statuts déposés depuis le printemps 1970.

1329.

6-13 mars 1968.

1330.

Éditions le Chalet, 1971, présentation de Jean Latreille, avec les contributions de H. Denis, J.-P. Lintanf et A. Mandouze.

1331.

Éditions le Chalet, 1972, présentation de Jean Latreille avec les textes de A. Merad, A. Abecassis et Mgr Pézeril.

1332.

Lettre circulaire, réunion "Paris province", 20 avril 1968, p. 2, carton 51, ARMA.

1333.

Idem, p. 4.

1334.

Bulletin du 20 avril 1968, du 26 octobre 1968, du 19 avril 1969, du 18 octobre 1969, du 9 décembre 1969, du 25 avril 1970, du 8 avril 1970, du 8 décembre 1973, carton 51, ARMA.

1335.

En 1968 ce sont des conférences sur Teilhard de Chardin, des cours sur le judaïsme par le grand Rabbin Moreli. En 1972-1973, sont proposés des cours sur "la prière dans les premiers siècles" par André Mehat, l’abbé Dagens et Jean Rousselet. Trois conférenciers de la SIC viennent : le docteur Péquignot, les pères Guillet et Sommet. Informations dans compte rendu du 26 octobre 1968 et dans Supplément au bulletin de l’ISR, 1972.

1336.

Informations tirées du premier compte rendu "Paris province", 20 avril 1968, p. 3-4, carton 51, ARMA.