2. La crise identitaire du CCIF

a) Les enjeux de la pastorale de l’intelligence

A la différence des années 1940 où les intellectuels catholiques allaient à la rencontre du monde moderne et souhaitaient participer pleinement à la reconstruction d’une nouvelle société, le début des années 1970 est marqué par leur profonde crise de confiance. Ces hommes s’interrogent sur la spécificité chrétienne et ses expressions possibles dans un monde sécularisé. Les animateurs du Centre sont peu préparés à cette urgence : la plupart d’entre eux ont été structurés par la théologie des Signes des temps 1462 . Cette théologie récusait l’idée de la chrétienté et toute régie ecclésiastique des sociétés humaines 1463 . Elle posait les jalons d’une nouvelle chrétienté respectueuse de l’autonomie des aspirations humaines et des valeurs profanes, mais les considérait comme des "pierres d’attente" par rapport à l’avènement du Royaume. C’était une théologie optimiste fondée sur le sens de l’histoire et du progrès ; largement imprégnée par la pensée du père Teilhard de Chardin, elle tendait ‘"à faire coïncider la thématique du progrès avec la récapitulation de toutes choses dans le Christ"’ ‘ 1464 ’ ‘.’ Cette espérance de la christianisation d’un monde reconnu pour lui-même avait été l’espérance du CCIF. Au tournant des années 1970, c’est davantage la théologie de la mort de Dieu qui prévaut désormais.

Notes
1462.

L’un des drames de Vatican II n’est-il pas d’avoir préparé l’Église catholique à un renouveau serein, tandis qu’il débouche sur la crise en tenaille que lui imposent une nouvelle culture hédoniste et une nouvelle culture critique ? Sa remarquable adaptation à l’optimisme des "golden sixties" devient alors dès 1964-1965, c’est-à-dire trop rapidement pour qu’il puisse rectifier le tir, un handicap face au pessimisme renaissant". Étienne Fouilloux, "La phase antépréparatoire, 1959-1960" dans Vatican II, op. cit., p. 74-75.

1463.

Claude Geffré, "Théologie de l’incarnation", art. cit., p. 150.

1464.

Idem, p. 147.