2. Pallier la crise de l’intelligence et de la foi

a) "Poursuivre, maintenir" 1603

L’année 1973-1974 marque la fin du CCIF tel qu’il avait vécu pendant presque trente ans : aucun cahier n’est organisé, seuls cinq débats manifestent l’existence d’un Centre moribond. Certes la SIC 1973 s’est bien déroulée et le public s’est fait plus dense à la journée tables rondes. Mais cette Semaine se situe dans une stricte continuité intellectuelle des précédentes, comme le montre le faisceau des orateurs invités : l’abbé Béguerie, l’abbé Bellet, Jean Cailleux, Olivier Clément, le père Congar, André Dumas, Jacques Duquesne, Jacques Jullien, Mgr Lheureux, Gabriel Marc, France Quéré et Pierre Talec.

Le 17 février 1974, l’abbé Coloni dans une lettre circulaire appelle à ‘"Prendre parti () sur l’avenir du Centre’ ‘ 1604 ’ ‘.’ A l’automne 1974, le CCIF reprend les objectifs que s’étaient assignés les membres fondateurs : mise en place de petites équipes de recherche pour un travail restreint, sans aboutissement publique systématique. C’est alors l’idée d’un "Centre fonctionnant en forme de club" 1605 qui est lancée, avec le souci d’une certaine discrétion institutionnelle. Mais l’équipe ne risque pas le pari du tout nouveau, elle préfère garder quelques débats. Elle lance également des cours-séminaires pour ne pas perdre toute visibilité et conserver un public : cinq cours sur l’Action catholique sont confiés à Jean-Marie Mayeur et à Aline Coutrot. Le thème choisi par l’équipe reflète en partie la question qui se pose au sein du CCIF. Avec la crise de l’ACJF, c’est aussi une partie de la problématique du Centre qui se trouve affaiblie. Réfléchir ensemble à ce qu’a apporté l’ACJF et la crise qu’elle subit permet à l’équipe de réfléchir à sa propre crise.

En 1974, l’équipe n’arrive pas à organiser la Semaine, elle a lieu avec six mois de retard en avril 1975. Une Semaine consacrée à la transmission où l’équipe s’interroge sur le message à privilégier et sur la manière de le présenter : ‘"Transmettre autrement le savoir, la culture, la foi"’ ‘ 1606 ’. La formule est nouvelle puisque les intervenants sont invités à partir d’une expérience de lecture (texte d’Antigone) à analyser les différents niveaux de lectures et les types d’enseignements possibles. Puis ils s’interrogent sur la transmission de la foi en invitant deux courants : le père Moingt au cœur d’une polémique sur l’aumônerie depuis 1974, critiqué par l’archevêque de Paris en 1975 et le père Bonnet, dominicain de Lorraine. La séance est suivie par 650 personnes dont une forte participation de Silencieux 1607 , des catholiques conservateurs, ravis de voir le père Bonnet parler de la "théologie du jeune homme riche" à propos de la pensée du père Moingt.

Le Monde, quant à lui, est une nouvelle fois très sévère : il titre "une Semaine périmée ?" :

‘"La dernière soirée a déçu (…) on attendait, néanmoins, une séance de clôture qui récapitule (…) qui fasse le point et tire des conclusions mêmes provisoires. Or en guise de "table ronde" on a entendu d’aimables propos à bâtons rompus. (…) à juger par la raréfaction du public ainsi que par les critiques entendues dans la salle la formule laisse à désirer." 1608

Peu de temps après le dernier colloque expose ‘"Le rôle de l’activité intellectuelle dans l’Église d’aujourd’hui". Ce colloque est organisé avec l’ensemble des groupes de province. Il tente de pratiquer un diagnostic sur la montée de l’anti-intellectualisme de l’époque, s’interroge sur le rapport entre les Écritures et la tradition’ ‘ 1609 ’ ‘.’ Dans un dessein proche, le numéro de Recherches et Débats consacré à Écriture et prédication, regroupe vingt trois homélies et des analyses de biblistes et d’exégètes 1610 . Le cahier manifeste, à la suite des cours, une nouvelle manière de travailler, travail plus réflexif et strictement confessionnel. Ce cahier est le signe que les intellectuels catholiques sont à la recherche de leur propre identité. Mais l’équipe subit une situation financière désastreuse : ‘"nous n’avons pas les moyens financiers ordinaires nécessaires à la fabrication"’ ‘ 1611 ’ des volumes.

L’UCSF se trouve alors dans une situation toute autre : elle a un budget équilibré, elle continue de rassembler ses fidèles et pourtant elle s’interroge sur la nécessité de sa continuité.

Notes
1603.

Brouillon de préparation de René Rémond pour réunion du bureau du 18 septembre 1975 : "décidés à continuer, poursuivre, maintenir, convaincus de l’utilité, pas autre voie, sans illusion, crise durable", carton 3, ARR.

1604.

17 février 1974, p. 1.

1605.

"Notes relatives au fonctionnement actuel du CCIF", p. 4, ARMA.

1606.

Avril 1975.

1607.

Le Rassemblement des Silencieux a été fondé en 1969 par Pierre Debray pour préserver la tradition catholique.

1608.

25 avril 1975.

1609.

Les débats sont introduits par Jean Lestavel pour la première séance, le père Geffré, l’abbé Briend et Jean Louis Declais pour le deuxième et pour le troisième Aline Coutrot et le père Pousset. Mgr Delarue, évêque de Versailles, intervient à la dernière séance.

1610.

RD 84, 1976, .

1611.

Circulaire, 2 octobre 1975 p. 1, ARMA.