b) La proposition de l’UCSF

Au fil des années 1960 les thèmes scientifiques avaient acquis une place de plus en plus importante au sein des cahiers et des colloques du CCIF. La présence des membres scientifiques au comité de rédaction portait ses fruits : plusieurs cahiers 1612 , deux colloques 1613 , trois débats 1614 avaient été ainsi consacrés aux questions scientifiques. Deux colloques avaient été entièrement organisés par l’Union tandis que deux cahiers étaient le résultat des réunions du SIQS ou de l’Union 1615 . Des débats abordaient des problèmes purement scientifiques comme l’origine de la vie, les mathématiques, le rôle de la recherche. Les cahiers et colloques s’organisaient uniquement autour de l’axe science-foi. Ce sujet avait d’ailleurs retrouvé une nouvelle dynamique à la fin des années 1960. En décembre 1967, "Le doute et la foi" permettait de s’interroger sur le rapport entre foi et expériences. Puis en mai 1968, un colloque privé organisé par l’Union invitait Jacques Monod, qui quelques années plutôt avait reçu le Nobel en 1965 avec François Jacob et André Lwoff. Le scientifique était invité à reprendre les grands traits de sa leçon inaugurale donnée au Collège de France (leçon sur la biologie moléculaire) en novembre 1967 et à en cerner les limites pour le langage théologique 1616 . Puis en 1970, l’équipe avait rendu compte d’une série d’interventions faites à Rome dans le contexte d’une rencontre de la SIQS pour évoquer les problèmes de méthodologie scientifique et ses rapports avec la théologie 1617 . La même problématique avait été reprise en 1972 lors du colloque de Rome organisé par Pax Romana que le CCIF publiait en collaboration avec le MIIC. Il s’agissait de démontrer l’autonomie de la science vis-à-vis de la théologie 1618 .

Ces différents travaux montraient que l’UCSF, en ces années, continuait avec vigueur sa réflexion. Et pourtant, depuis le début des années 1970, elle s’interrogeait profondément. En octobre 1973, Paul Germain adresse une lettre à René Rémond pour lui signaler l’impasse dans laquelle se trouve l’UCSF :

‘"Le nombre des adhérents est sensiblement constant. On a enregistré depuis cinq ans de nouvelles adhésions compensant les départs. La situation financière sans être brillante est saine. Nous publions cinq bulletins par an. Ils sont intéressants et appréciés. (…) Bref la survie de notre association n’est pas en cause. Sa structure est solide. Elle peut sans trop de difficultés continuer une activité de qualité avec un niveau d’audience honorable." 1619

Deux points négatifs sont soulignés : l’âge avancé de l’équipe et la difficulté de mettre en place des sujets nouveaux 1620 . Le président rappelait que la science ayant trouvé une nouvelle place dans la pensée occidentale, le chercheur catholique n’avait plus le souci de la reconnaissance par ses pairs scientifiques et se posait les mêmes questions que les autres croyants :

‘"Le jeune scientifique a comme son aîné, de problèmes de foi mais ceux-ci ne sont guère différents des problèmes des autres jeunes chrétiens, c’est ce que révèle très nettement l’expériences des équipes récemment formées." 1621

Parallèlement Paul Germain rappelait que la faillite du progrès, la disparition de la frontière entre science et technique, et la professionnalisation du métier aboutissaient à une remise en cause du statut de chercheur scientifique. Il proposait donc au CCIF de rassembler les deux équipes pour promouvoir un travail commun. La proposition n’aboutit pas, l’Union ayant décidé entre temps de se saborder.

Un autre projet est également envisagé : il est le fruit de la réflexion des plus jeunes entrés dans l’équipe au début des années 1970.

Notes
1612.

L’ère des ordinateurs (décembre 1966), Le doute et la foi (décembre 1967), Science et théologie (octobre 1970), La nature, problème politique (septembre 1971), Chemins de la raison (mars 1972).

1613.

Colloque privé avec Jacques Monod, 6 mai 1968, "L’origine de l’homme", 22-23 mars 1969.

1614.

,"Origines de la vie : l’organisation cellulaire" (3 mars 1967) ; "Développement : justice et paix" (8 mai 1967) ; "Aux origines de l’esprit scientifique, le XVIIè siècle chrétien" (11 mai 1967) ; "Le retour du tragique" (novembre 1967) ; "Question aux savants" (12 mai 1969), "Quels hommes nous préparent les mathématiques modernes ?" (mai 1972).

1615.

RD 72, La nature, problème politique et RD 75, Chemins de la raison (Science-Philosophie-Théologie), mars 1972, 189 p.

1616.

Il publie peu de temps après, Le hasard et la nécessité qui complète les principes lancés lors de sa leçon.

1617.

Science et théologie,

1618.

Chemins de la raison, contributions de Agazzi, Croft, d’Espagnat, Kluxen, Ladrière, L’Héritier, Morren, Pohier, Rahner et Russo.

1619.

Paul Germain à René Rémond, 15 octobre 1973, p. 2, carton 3, "Présidence 1973-1974", ARR.

1620.

Idem, p. 3.

1621.

Ibid., p. 3.