Le CCIF rédige une plate-forme et un protocole pour des interlocuteurs potentiels. Ce rapport de cinq pages pose plusieurs questions fondamentales : raisons de survie, objectifs concrets à poursuivre, moyens. Il souligne également que la priorité doit être le dialogue : faire dialoguer des croyants entre eux et faire dialoguer des chrétiens avec ceux qui estiment avoir quelque chose à leur dire 1634 . Il rappelle enfin la nécessité d’entretenir un vivier où il sera possible par la suite de puiser pour continuer la fonction enseignante de l’Église. Face à un "Munich intellectuel catholique", il s’agit de rester debout pour participer à un renouveau formel (rendre de nouveau possible la parole raisonnée sur la foi) et à un renouveau intellectuel.
Le CCIF se propose donc de prendre contact avec la Paroisse universitaire et les Semaines sociales afin de constituer entre les personnes (et non les institutions) un nouvel organisme. C’est avec la mise en place de cette proposition de plate-forme la disparition définitive du CCIF tel qu’il avait été constitué une trentaine d’années auparavant :
‘"Quelque soit le sort réservé au CCIF, il faut considérer que le processus engagé est irréversible. Dans ces conditions, la fonction principale de l’équipe consiste, en dehors de la gestion des affaires courantes, à engager et à mener à bien les négociations visées ci-dessus. Si ces négociations aboutissent favorablement, la relève se trouvera assurée d’elle-même, en cas d’échec, l’équipe du CCIF est hors d’état d’assurer seule, avec les moyens limités dont elle dispose, les fonctions définies par la plate-forme. Comme il est exclu de continuer sur la lancée antérieure, il appartiendra alors à l’équipe de tirer les conséquences de cette situation en assurant, dans les moins mauvaises conditions possibles, la liquidation du Centre. En raison des impératifs financiers, le choix entre les deux solutions ne pourra être différé au delà du 1er février 1976." 1635 ’Dès ses origines, le Centre avait entretenu des contacts privilégiés avec certains de ses membres 1636 . Joseph Folliet, son secrétaire général, était ainsi un des fidèles intervenants du "61". Ceux qui avaient incarné un catholicisme de présence, au service de la société, vont se retrouver pour prolonger ensemble cette ligne. Le projet intéresse d’autant plus les Semaines qu’elles connaissent depuis le milieu des années 1960 des tensions 1637 . Les animateurs sont divisés sur l’orientation et la méthode 1638 . En 1973, Alain Barrère et son équipe avait donc entrepris un "temps d’études et de confrontations" pour déterminer les nouvelles voies possibles 1639 . L’équipe se donnait alors deux ans pour faire le point 1640 . Deux ans plus tard, la situation ne s’était pas améliorée :
‘"Le week-end des Semaines sociales s’est continué dans une atmosphère presque dramatique. A un moment, j’ai cru que toute l’équipe allait démissionner. Autant je crois qu’il faut procéder à des renouvellements, d’ailleurs difficiles, autant je ne crois pas qu’il faille tout mettre en l’air." 1641 ’En décembre 1975, des membres des deux groupes se retrouvent pour établir un projet commun et déterminer précisément tous les problèmes concrets : locaux, secrétariat, organe de diffusion, finances. Le 20 mai 1976, la fusion des deux groupes est annoncée et doit donner naissance à Confrontations 1642 . En avril 1977, différents groupes de travail sont constitués. "Chances et limites d’une société de consommation", "L’articulation entre le discours et la pratique politique", "Vie quotidienne et vie privée", "La foi chrétienne dans la société actuelle", "Les nouvelles déterminations sociales et culturelles du travail", "Hommes et femmes". A l’origine de ce projet de travail se trouvent Jean Baboulène, Jacques Antoine, André Astier, Michel Coloni, Jean-Pierre Duport, Christian Join-Lambert, Pierre Mayol, Marcel Merle, Jean-Louis Monneron, Joseph Musseau, Bernard Porte et Jacques Poulet-Mathis. En octobre 1977, cent vingt personnes se rassemblent parmi les trois cents qui avaient répondu positivement au questionnaire du printemps et tiennent "L’assemblée constitutive de Confrontations" 1643 . Lors de ce week-end, la nouvelle équipe fait appel à deux intellectuels dont les "réflexions sont en rapport étroit avec les hypothèses de travail sur lesquelles s’appuie Confrontations" 1644 . C’est donc Paul Thibaud, le nouveau directeur d’Esprit et l’abbé Maurice Bellet qui sont ainsi sollicités à présenter leurs analyses 1645 . L’un et l’autre soulignent les nouveaux enjeux qui attendent les chrétiens : Paul Thibaud insiste sur trois chemins à méditer : celui de A. Micnik (juif polonais marxiste qui voit en la question religieuse un garant de déviance totalitaire), celui d’Illich et celui de Péguy.
Un bulletin de liaison naît en novembre 1977. Un premier cahier fruit du premier travail commun paraît sous le titre Inégalités, travail et changement. Ce sera le seul. Brutalement, un an après le lancement de Confrontations, les Semaines sociales décident de reprendre leur indépendance. Pour expliquer ce désengagement, le président Alain Barrère souligne l’insuffisance accordée aux problèmes sociaux : la production de Confrontations donne lieu à une lecture trop culturelle des faits de société. Aussitôt les Semaines sociales décident de se dissocier financièrement de Confrontations 1646 . Du côté du "61" c’est l’étonnement et la déception :
‘"L’équipe du CCIF regrette que tout n’ait pas été fait pour assurer le succès de l’expérience. Elle craint que le retrait des Semaines sociales ne compromette son développement et elle redoute que la dispersion des efforts et des moyens entre plusieurs institutions n’aboutissent en définitive à la dispersion de toutes. Pour ces mêmes motifs le CCIF (…) n’entend pas revenir sur l’engagement pris à l’égard de Confrontations pour la durée précitée." 1647 ’Les Semaines sociales vont alors organiser des sessions régionales sous l’impulsion de Georges Hahn à partir de 1980, et, en 1987, de Nouvelles Semaines sociales sont constituées pour "Repenser le social" dans "la dynamique des droits de l’homme" 1648 . Pari gagné : les Semaines sociales ont retrouvé un public et ont réussi à faire entendre de nouveau la voix de certains intellectuels catholiques au sein de la cité au rythme d’une session de travail et de réflexion tous les deux ans puis annuel 1649 .
"Protocole d’accord", p. 2, ARMA. Voir en annexe l’ensemble du texte.
Idem.
En 1974, le bureau rassemble Alain Barrère (président), Alfred Michelin et Jean Rivero et Henri Théry (vice-présidents), E. Gounot et R. Lavialle, Philippe Farine (secrétaires), Louis Estrangin (trésorier), Jacques Antoine, Bernard Porte et F.-P. Mercereau (membres).
Voir à ce propos l’article "Semaines sociales de France", dans Catholicisme de Philippe Lécrivain, et son article dans Le mouvement social en France, art. cit.
Réunion de 1971, archives Semaines sociales, AICP.
La Semaine a lieu en juin. Lettre circulaire du 17 novembre 1973, p. 1, archives Semaines sociales, AICP.
"Un colloque en décembre 1973, des études et recherches en novembre 1974, et de confrontations et échanges en mai 1975", "Projet de travail pour deux ans", carton Semaines sociales 2, n°8, AICP.
30 octobre 1975, 1 p.
Voir en annexe la nouvelle organisation CCIF-Semaines sociales, 1977.
Lettre circulaire, janvier 1978, p. 1, "dossier 5", archives Confrontations, ARMA.
"Projet", p. 9, "dossier 5" archives Confrontations, ARMA.
Les deux interventions sont publiées dans RD 89, La société désorientée, juin 1978, Paul Thibaud, "Le christianisme dans la modernité", p. 69-77 et abbé Bellet, "Passer outre", p. 175-194.
Compte rendu du 4 novembre 1978, 7 p., archives Semaines sociales 2, AICP.
René Rémond à Alain Barrère, 28 novembre 1978, p. 1, "dossier Semaines sociales-CCIF 1978", archives Confrontations, ARMA. Voir en annexe la lettre.
A Saint-Denis.
La dernière session consacrée la responsabilité sociale des chrétiens a rassemblé en novembre 1999 2500 personnes.