Chapitre préliminaire
La grève et le temps : l’explication inachevée

1. Introduction

Les grèves sont habituellement modélisées par des modèles d’offres et contre offres alternées, dans le prolongement de l’analyse de Hicks. Ces modèles cherchent à montrer que les grèves sont justifiables ex ante et que leur durée n’est pas virtuelle. L’objectif de ce chapitre est de présenter une revue des modèles séquentiels utilisés pour étudier la négociation.

Après avoir développé l’analyse hicksienne ainsi que sa portée, les modèles de négociation en information symétrique sont présentés. L’intérêt majeur de ces modélisations est d’avoir formalisé l’exacte pensée de Hicks et ancré la négociation dans la relation d’emploi. Toutefois, même si ces modèles admettent des équilibres avec grève, il existe une multiplicité d’autres équilibres possibles. IL est alors difficile d’expliquer pourquoi les agents se cordonneraient sur un type d’équilibre inefficient comme la grève.

Dans un deuxième temps, les modèles de discrimination sont exposés. Ces modèles reposent sur l’introduction d’une asymétrie d’information entre les deux parties de la négociation pour expliquer l’émergence et la durée des grèves. Ces approches présentent une réelle voie de dépassement du paradoxe de Hicks.

Dans un troisième temps, l’étude s’intéresse aux réfutations économétriques de l’émergence, la durée et l’issue de la grève. Les analyses montrent de manière générale que l’émergence et la durée des grèves dépendent de variables macroéconomiques comme le taux de chômage ou le taux de croissance passé des salaires. Par ailleurs, l’issue des grèves est influencée par la durée de la grève.

L’essentiel de la littérature recourant aux estimations économétriques repose toutefois essentiellement sur des données nord-américaines. Les données françaises de grèves ne sont disponibles que depuis peu. Ce chapitre présente ainsi, dans un dernier temps, une analyse économétrique de l’émergence et de la durée des conflits en France. La probabilité de grève est estimée par un modèle Probit. Deux proxies de l’émergence d’un conflit sont utilisées : au cours des trois dernières années, l’établissement a-t-il connu une grève ? ou la grève a-t-elle été le conflit le plus marquant ?

Ces estimations montrent que les modèles de discrimination ne parviennent pas à rendre compte de l’émergence des grèves en France.

Une seconde estimation de la durée de la négociation par la méthode des moindres carrés ordinaires sur données de panel est réalisée. Cette estimation met en évidence l’influence des variables d’organisation de la production, qui pourtant ne sont pas prises en compte dans les modèles de discrimination.