2.2 La portée de l’analyse hicksienne

Le modèle proposé par Hicks est un jeu d’offres et de contre-offres instantanées aboutissant à la mise en application immédiate d’un salaire d’équilibre. La durée de grève virtuelle augmentant, le syndicat diminue ses prétentions et l’employeur concède des salaires plus élevés. C’est sur ce type d’analyse que reposent les modèles séquentiels d’offres alternées qui constituent la plus grande partie de la littérature sur la grève.

Une des contributions majeures de Hicks est d’avoir posé le cadre d’analyse de la plus grande partie de la théorie moderne de la grève. Le jeu de négociation initié par cet auteur reste le cadre de référence de l’analyse de la grève. Le conflit expliqué se situe depuis lors à l’intérieur d’une même entreprise et la négociation s’effectue en monopole bilatéral avec d’une part, l’employeur et, d’autre part, le syndicat représentatif de tous les salariés de l’entreprise. Ce type d’analyse préfigure bien les négociations en Angleterre ou aux Etats-Unis. Il est à noter que le conflit envisagé porte uniquement sur des revendications salariales.

De plus, Hicks a fourni une des solutions au dépassement de son paradoxe, il déclare: “la grève naît des divergences d’estimations...le danger repose sur l’ignorance d’un des protagonistes des intentions de l’autre partie”. Ainsi reconnaît-il la possibilité d’asymétries d’informations génératrices de conflits, et ouvre la voie aux modèles séquentiels en asymétrie d’information.

Hicks suggère une autre explication à l’apparition d’une grève : le syndicat essaierait de maintenir sa crédibilité. Le conflit, dans ces conditions, ne serait pas le fait de revendications salariales mais servirait au syndicat à observer l’état de ses forces, à mesurer sa capacité à rassembler et, en quelque sorte, à impressionner l’employeur. Hicks ne développe pas ici l’idée de menace de grève mais celle de grève-menace qui serait cyclique. Même si ce type de grève existe dans la réalité, son étude ne correspond pas au contexte présupposé par Hicks. Les revendications salariales n’y sont qu’un prétexte, le but de ces grèves - menaces n’étant pas d’augmenter ou de maintenir le niveau des salaires. De plus, l’étude de la durée de la grève est dans ce cas moins pertinente, puisque la durée de la plupart de ces grèves courtes est fixée et connue ex ante. La grève n’est pas un élément de la négociation actuelle mais peut être prise en compte dans les négociations ultérieures.

La contribution de Hicks à l’analyse de la grève va donc bien au-delà du paradoxe qui porte son nom. En effet, le cadre du jeu de négociation (le monopole bilatéral) et le déroulement du jeu (l’alternance d’offre et de contre-offre) sont retenus par la majeure partie de la littérature. Quant au dépassement de son paradoxe, il en a fourni lui-même la principale solution : l’asymétrie d’informations. Hicks peut donc être considéré comme le véritable fondateur de l’économie de la grève.