3.2.3 Grève en information symétrique et rationalité

La théorie des grèves en information symétrique semble de prime abord très porteuse. L’introduction d’un contrat antérieur à la négociation permet d’inscrire la relation d’emploi dans la durée, ce qui constitue un réel progrès dans le réalisme des modèles de négociation.

De plus, en choisissant comme cadre d’analyse les modèles séquentiels d’offres alternées, en dotant les agents de rationalité parfaite, ainsi qu’en faisant l’hypothèse d’information parfaite et complète, les auteurs s’inscrivent exactement dans la lignée de Hicks. Quand la démonstration est faite de la possibilité d’équilibre inefficient, le paradoxe de Hicks semble résolu. Des grèves en temps réel peuvent apparaître et les stratégies qui les soutiennent sont identifiables.

Pourtant, cette séduisante théorie pose de nombreux problèmes. Elle n’apporte pas de réponse réelle à l’émergence d’une grève et à la pérennisation d’un conflit. La possibilité d’équilibre inefficient n’est pas synonyme de choix d’équilibre avec grève. L’existence d’une multiplicité d’équilibres crée en même temps la possibilité d’une grève et la possibilité que les agents décident de l’équilibre qu’ils joueront. Il paraît peu probable que les agents optent pour des équilibres inefficients. L’explication des grèves semble incompatible avec la rationalité des agents. Le fait que syndicat et employeur s’engagent sciemment à subir des pertes irrécupérables ne paraît pas vraisemblable.

De plus, quand le syndicat fait grève, toute tentative de déviation pareto améliorante est immédiatement punie, et ce parce que les agents jouent, selon des stratégies pré-définies, sur un sentier d’équilibre qui ne peut être remis en question. La grève existe sous l’effet de comportements butés ou égoïstes. Il n’est aucunement envisagé le cas où syndicat et employeur feraient “table rase” de l’histoire du jeu et s’accorderaient pour jouer un autre équilibre. La question de la robustesse à la renégociation n’est pas abordée. Il apparaît que, soumis aux critères de robustesse à la renégociation, les équilibres avec grève ne sont plus soutenables.

La théorie de la grève en information symétrique ne permet donc pas de répondre à la problématique hicksienne. C’est pourquoi d’autres voies d’étude ont été développées pour mieux comprendre le mécanisme de la grève. La plupart des modèles proposés conservent le cadre du jeu avec propositions alternées, mais l’amendent de l’hypothèse d’asymétrie d’information, comme l’avait déjà suggéré Hicks.